Il y avait tellement de talents réunis dans ce projet que les attentes étaient inévitables, et on ne peut cacher que le résultat est certainement en deçà de ce que chacun a pu nous démontrer par le passé. N’empêche, réduire l’efficacité de The Glass Castle pour cette raison ferait passer le spectateur à côté d’un très beau film qui manque surtout de subtilité pour parvenir à ses fins, mais certainement pas de cœur et encore moins d’âme.
Destin Daniel Cretton renoue avec la lumineuse et talentueuse Brie Larson et une bonne partie de l’équipe de son brillant et nécessaire Short Term 12 (Brett Pawlak à la direction photo, Nat Sanders au montage, Joel P. West à la trame sonore) pour s’attaquer cette fois aux mémoires de Jeannette Walls. Il s’associe également avec Andrew Lanham au scénario, avec qui il vient d’adapter une part du récit religieux The Shack. Dommage toutefois qu’en usant de procédés assez classiques qui sentent indubitablement la redite, surtout dans un contexte autobiographique, c’est au niveau de l’écriture que le film trouve ses plus grandes faiblesses.
On y suit alors les contrastes entre la vie rangée actuelle de la protagoniste et celle mouvementée de son enfance avec un père alcoolique imprévisible et rêveur ainsi que sa mère artiste bohème. Tous deux tentant tant bien que mal d’élever à l’improviste leurs quatre enfants selon leurs valeurs singulières qui prônent l’authenticité, la créativité et la force intérieure.
Parsemé d’images fortes presque toujours secondées par des dialogues souvent très appuyés, le long-métrage vaut surtout pour ses qualités techniques irréprochables qui viennent supporter avec grâce les jeux bien contrastés de son excellente distribution. S’il est difficile d’extirper Max Greenfield de ses tiques très sitcom-esque (il a après tout dépassé depuis longtemps la centaine d’épisodes pour New Girl), la douceur de Naomi Watts est beaucoup plus accessible et offre une belle chaleurosité aux côtés du bouillonnant Woody Harrelson (à quelques poils et une perruque moins impressionnant que dans son plus récent War for the Planet of the Apes, mais toujours mieux que dans Wilson), qui réussit néanmoins à afficher un grand naturel sans jamais tomber dans le cabotinage, ce qui ne serait pas donner à tous.
Pour ce qui est de la protagoniste, la jeune Ella Anderson se révèle avec un grand brio dans ce rôle qui passe de la naïveté à l’acceptation de la réalité beaucoup moins reluisante, montrant une justesse et une retenue d’une belle et tendre efficacité dans ce rôle qui mène à la maturité, donc, à Brie Larson. Celle-là même qui joue la dualité à la perfection dans ces dilemmes crève-cœur sur la liberté et l’absence de liberté qui ont parsemés toute la vie de Jeannette Walls
Et bien que la majorité des thèmes ne seront pas développés à leur pleine capacité, c’est dans ces esquisses qu’on se fera prendre au jeu. De par le regard et la complicité des interprètes, de la beauté visuelle de l’ensemble qui puise énormément dans la beauté naturelle des lieux (si l’on oublie la pauvreté et le côté archaïque de Montréal qu’on décèle ici et là) et la délicate et enveloppante musique de West, on s’emplira d’émotions le temps d’un instant et on y trouvera toute la beauté qu’il y a à extirper de ce récit sommes toutes très accessible, mais aussi très rassembleur.
Comme quoi, à l’image de ses personnages, le film sera aussi à la recherche de ses rêves et de ses idées. Il titillera constamment des projets plus grand que lui-même et, par le fait même, un film beaucoup plus accompli et moins similaire à tous ces autres qu’il miroite sans nécessairement les transcender (on est même allé chercher deux jeunes acteurs de Captain Fantastic!). Joli, imparfait et incomplet d’une certaine part, The Glass Castle aura des airs de parenthèses et juste assez de bon sens pour piquer l’esprit à se questionner sur son propre quotidien et sa propre enfance. Jusqu’à quel point peut-on se dissocier des contextes dans lequel nous avons grandi et de ceux qui nous ont élevés, et jusqu’où peut-on nier ne pas y être directement relié?
C’est ainsi dans cette constatation mi-douce, mi-amère que le film posera son questionnement le plus ambitieux : et si le château de verre était en fait une prison, celle d’une réalité qui nous rattrapera toujours coûte que coûte, autant dans sa beauté que ses défauts, laissant tout de même la possibilité de voir l’ailleurs inaccessible? Le film n’y répondra pas, d’autant plus qu’il ne sera pas nécessairement certain de ses propres fondements, mais au moins, il aura tâté le terrain. Ce, juste assez pour capter notre attention et nous charmer au détour, ne serait-ce qu’une parcelle de notre cœur qui croit encore à l’importance de la famille.
7/10
The Glass Castle prend l’affiche en salles ce vendredi 11 août 2017.