Dans un Paris du début du 20e siècle, l’écrivain Max Rochefort se retrouve, bien malgré lui, mêlé à une sombre affaire de meurtre saupoudrée de mysticisme, le tout dans une ville bien plus dangereuse que la Ville lumière d’aujourd’hui.
Placé sous la garde de notre héros, le jeune Giovanni Riva, apprenti journaliste et « provincial » peu au fait de la haute société parisienne, Rochefort tâchera de prendre la police de vitesse pour résoudre cet étrange mystère devant toujours plus sanglant au fur et à mesure que les jours s’écoulent.
Écrit par Dominique Maisons et publié aux Éditions de La Martinière, On se souvient du nom des assassins tente de retrouver le style d’écriture du siècle précédent, voire même du 19e, alors que nos héros avaient l’imagination fertile et que les explications les plus fantastiques ne s’étaient pas encore fracassées contre la sombre muraille du réalisme littéraire. Enquêter sur de possibles influences surnaturelles à l’oeuvre dans cette sombre histoire de meurtre? Aucun problème. Imaginer un crime lancé à partir d’un dirigeable à propulsion électrique largué d’une usine située à des kilomètres du lieu de l’assassinat? Ou encore mieux, imaginer une course-poursuite entre deux engins volants presque faits de bric et de broc, perchés au-dessus de l’est de la France? Encore mieux!
Ce qui cloche, toutefois, dans cette oeuvre se voulant être un « thriller d’atmosphère envoûtant et sanglant », c’est que l’histoire évite justement de sombrer dans ce qu’il affirme pourtant être, et ce pour une bonne partie du récit. On a le meurtre qui lance l’enquête, bien sordide et sanguinolent à souhait, mais les chapitres suivants tournent en majeure partie autour des amourettes entre le personnage principal et la suspecte, une jeune femme de chambre. Femme de chambre qui, en compagnie de notre héros, fait preuve d’une gaucherie et d’une pudibonderie aussi vieillottes que l’époque où se déroulerait l’affaire. À ce que je sache, Dominique Maisons n’a pas l’excuse d’un Tolstoï, par exemple, pour écrire des personnages féminins quasi unidimensionnels. Ce qui ne l’empêche pas de sombrer dans la facilité.
Ainsi, entre l’inspiration très marquée de Sir Arthur Conan Doyle, avec son Sherlock Holmes, et le roman Drood, de Dan Simmons, où l’écrivain Charles Dickens plonge dans le Londres non seulement interlope, mais presque carrément surnaturel, Dominique Maisons joue un peu trop avec les styles, provoquant un essoufflement à la mi-parcours.
Heureusement – car oui, il y a un heureusement -, le roman se rattrape tout à fait dans ses derniers chapitres. Le lecteur avait déjà eu droit à une bonne dose de cruauté et de viscères, mais voilà que l’auteur se donne à fond, à un point tel que les pages prennent une teinte rouge sang: notre véritable méchant est d’une perversité sans pareil, laissant présager les horreurs à venir sur le Vieux Continent, et la philosophie derrière la pire tragédie de l’histoire de l’Humanité. Bref, nous voulions nous rouler dans la fange et les tripes puant l’hémoglobine et le pus; nous voilà servis.
En passant par-dessus les changements de style et le rythme imprécis de cette oeuvre littéraire, On se souvient du nom des assassins est une lecture intéressante, et probablement un ajout envisageable à la bibliothèque d’un mordu de littérature noire. À considérer, donc.