Une bière, un roteux et une pièce de théâtre d’une heure. Le Théâtre La Licorne plonge à l’eau avec un nouveau concept, celui d’un 5 à 7 théâtral dans sa petite salle de répétition, rue Papineau. Et au sortir de l’endroit, on se dit que l’expérience est certainement un succès.
L’idée pourrait paraître saugrenue, mais La Licorne s’appuie sur des résultats fiables. La formule de ce 5 à 7 fonctionne en effet depuis 12 ans en Écosse sous le nom d’A Play, A Pie and A Pint. Pour la version québécoise, on échange ainsi le pâté pour un hot dog et le tour est joué. Après avoir récupéré sa consommation, le spectateur est invité à se rendre à l’étage, où l’on grille les saucisses et les pains sur la terrasse attenante. Suffit ensuite de garnir le snack gastronomique de ketchup, relish et moutarde (ou de mayonnaise pour les fins palais), et le tour est joué.
Pas question, bien sûr, de se goinfrer avant la représentation et de s’endormir ensuite sur son siège. D’autant plus que la pièce présentée pour ce coup d’essai, Toutes les choses parfaites, surprend le public par sa justesse et par le naturel de son comédien, François-Simon Poirier.
L’oeuvre, écrite par Duncan Macmillan et traduite pour un public québécois, s’attaque aux thèmes de l’amour et du suicide, deux sujets qui pourraient paraître particulièrement lourds à des gens venant de quitter le bureau et qui effectuent un saut au théâtre avant de poursuivre leur soirée. Sous les traits d’un jeune homme qui grandit avec une mère dépressive qui tentera plusieurs fois de mettre fin à ses jours, Poirier sait se montrer très touchant en évitant de prendre trop fermement les spectateurs par la main, tout en jetant néanmoins un voile sur certains des aspects les plus difficiles de la santé mentale et des pensées suicidaires.
Suite à une première tentative de suicide par sa mère, celui qui était alors jeune garçon se met à faire la liste de toutes les choses parfaites de l’existence, histoire de convaincre maman que la vie vaut la peine d’être vécue. Ce faisant, il aborde la délicate question de la dépression, mais aussi celles de l’amour, du mariage, des relations de couple, de la parentalité, des normes masculines nuisant trop souvent au dialogue… Un éventail de sujets avec lesquels ils ne prend pas de gants blancs, ou si peu.
Le clou de ce spectacle est la participation du public. Des spectateurs sont ainsi non seulement invités à énumérer certaines des choses parfaites, mais aussi carrément à jouer le rôle de divers personnages intervenant à un moment ou à un autre de l’histoire. Chapeau à M. Poirier pour savoir s’adapter aux réactions et aux gestes du public. Descriptions de personnages modifiées, petits mots d’encouragement lorsque nécessaire… le comédien semble parfaitement à l’aise dans son environnement, et les spectateurs, en se sentant inclus dans la représentation, n’en sont que plus heureux et plus investis dans l’histoire.
Le seul bémol qu’il faudrait apporter à cette thématique du 5 à 7 serait justement l’heure à laquelle débute l’événement. Va pour la première représentation de cette série, mais on comptait certainement bien des gens issus du milieu théâtral ou journalistique dans la salle. Impossible de savoir si le public plus « général » arrivera à se déplacer suffisamment rapidement pour le lever de rideau à 17h30.
Autrement, le directeur de La Licorne, Denis Bernard, semble avoir réussi à dynamiser la sortie théâtrale en cassant le moule de la représentation à 20h, dans des sièges profonds, les lumières baissées. Un changement qui est tout à fait le bienvenu.