Brian Helgeland est difficile à saisir. Depuis son Oscar de scénarisation pour L.A. Confidential, il partage son talent à l’écrit et à la réalisation pour le meilleur et pour le pire et si son plus récent effort avait tout pour être prometteur, disons que Legend tombe ultimement à plat.
Tom Hardy est l’un des acteurs les plus fascinant de son époque et l’idée de le voir dans un double rôle est séduisante, encore plus lorsqu’il s’attaque aux jumeaux les plus impitoyables de l’histoire du crime organisé anglais. De savoir que celui qui s’y penche est le scénariste de L.A. Confidential et de Mystic River est d’autant plus rassurant, sauf lorsqu’on se rappelle qu’il a aussi pondu Cirque du Freak: The Vampire’s Assistant.
Bien qu’ils étaient de sympathiques succès populaires, 42 et A Knight’s Tale n’avaient rien d’extraordinaire et c’est dommage de voir que le cinéaste a préféré emprunté cette voie pour faire ici un film de mafia qui lance plus d’étincelles au visage qu’un véritable plat de résistance. Puisque voilà pour près d’une heure, tout au plus, le long-métrage garde un tant soit peu d’intérêt. La reconstitution d’époque est soignée, la mise en scène a une certaine élégance et le classicisme de la narration nous donne l’impression qu’on sait où l’on s’en va et qu’on aura droit à une gradation d’une certaine importance.
Mieux, si Tom Hardy est d’une belle efficacité dans la peau de Reggie Kray, le frère plus « sain » des deux, il est tout simplement dément dans le rôle aux limites psychotiques de son jumeau Ronald à l’éclatante personnalité, auréolé de sa surprenante bisexualité. Dommage toutefois qu’à l’instar de la dévotion de Jake Gyllenhaal dans Southpaw, ces performances se perdent dans un manque total de focus dans le scénario qui ne finit que par relater des faits sans le moindre état d’âme. Parlez-en à cette insertion relativement subtile d’une scène de viol dont on fera pratiquement abstraction!
En effet, en prenant le parti de Frances Shea, la compagne de cœur de Reggie, personnage sous-développé qui arbore les traits de l’irrésistible Emily Browning qui assume également la narration, on se laisse emporter avant de se perdre dans les méandres du vide. N’en déplaise à quelques montées psychologiques de circonstances et un combat un tant soit peu punché, le film a une absence totale de rythme (à la fin de ses plus de deux heures, le spectateur a depuis longtemps lâché prise) et de toutes possibilités d’ultimatum ou même de momentum.
Difficile d’y voir une véritable menace, un méchant quelconque ou la forme d’un but autre que de voir les jumeaux Kray être leur propre ennemi alors que leur univers sombre toujours plus dans une impasse dont ils ne peuvent plus se sortir. Comme le tout a été fait tant de fois avec beaucoup plus de maîtrise, on reste considérablement sur notre faim. Il y a également le fait qu’au-delà de la (double) tête d’affiche, on s’amuse à sous-utiliser de façon outrageante d’autres acteurs de talent, comme Paul Bettany qui passe en coup de vent ou la star montante Taron Egerton qui, malgré son personnage accessoire, parvient néanmoins à composer quelque chose de fort intéressant. David Thewlis demeure à nouveau fort convenable.
Enfin, Legend est un film qui s’écoute aisément pour ceux qui ont la patience nécessaire. Sans être totalement mauvais puisqu’on a soigné plusieurs aspects, on regrette la réalité inégale de l’ensemble. On se désole aussi que sa deuxième moitié s’enfonce dans un sentimentalisme mélodramatique auquel on ne peut correspondre avant de s’étirer inutilement sans rien développer. On vous dirait donc bien d’y aller ne serait-ce que pour plusieurs performances gagnantes, mais encore là ce serait de taire qu’elles se font noyer par tout ce qui est autour, soit tout plein d’éléments disparates qui se cherchent autant que tous ceux qui ont collaboré au projet.
6/10
Legend prend l’affiche ce vendredi 4 décembre