Que faire lorsque votre coeur se brise? Certaines personnes pleureront toutes les larmes de leur corps, d’autre tenteront de recoller les morceaux. D’autres, enfin, se laisseront emporter par la déferlante du sexe, du stupre et du foutre; c’est cette voie que prendra Anne-Marie, suite à sa rupture dans la pièce Baiseries, de Jean-Philippe Baril Guérard.
Présentée dans le très intime Espace Geordi, la pièce vise à examiner la pertinence du mythe de l’hypersexualisation des 18-25 ans et l’importance du sexe dans la vie des jeunes adultes. Dans un style mêlant jeu d’acteur et ce qui semble être de véritables confidences de la part des comédiens – sur leur première expérience, entre autres -, Baiseries est un exercice de style particulièrement intéressant, et aborde franchement ce qui est souvent tabou, même encore aujourd’hui.
Trompée par son copain, Anne-Marie (André-Anne Lacasse, très convaincante) s’oublie dans les bras d’amants successifs, tandis que sa vie se détache progressivement en lambeaux. Sa meilleure amie (Aurélie Morgane) et son frère (Maxime de Munck) assisteront à la chute, incapables d’y changer quoi que ce soit, ou si peu. Autour d’Anne-Marie tourneront son ex (Pierre-Yves Cardinal) et des relations de passage, toutes interprétées par Mathieu Handfield, qui surprend ici.
Le tout est interprété sous formes de tableaux où l’on voit le scénario progresser, entrecoupés d’anecdotes du cru des acteurs (mais comment savoir s’ils disent vrai?) destinés soit à faciliter un changement de comédien ou d’accessoires en arrière-plan, soit à détendre l’atmosphère. Détendre l’atmosphère, en effet, car si la situation est dramatique, la majeure partie du spectacle est destinée à faire rire; que ce soit en livrant des confidences croustillantes ou en jouant sur les malentendus ou les malaises sur scène, Baiseries est une comédie acidulée qui fera sourire souvent, et franchement rigoler plusieurs fois.
Malheureusement, la formule ne fait pas mouche à tous les coups. Certains gags semblent clairement destinés à faire rire les initiés dans le public (parents et amis, nombreux à la première), et laisseront le spectateur moyen perplexe; à force d’en abuser, des mots particulièrement crus perdent de leur mordant, et ne bousculent plus les conventions ou ne font plus s’écrouler les tabous aussi efficacement. Cependant, de nombreuses répliques sont soit assez choquantes, soit tout simplement hilarantes, et l’on s’esclaffe. Maxime de Munck livre d’ailleurs une réplique particulièrement assassine entre deux tableaux, et cette dernière fait sérieusement travailler les zygomatiques.
Si Baiseries a un défaut, c’est plutôt du côté du texte que de l’interprétation. Les gens de la génération 18-25 agissent-ils réellement de la sorte? La pièce gagnerait peut-être à suggérer certaines idées, plutôt que de les étaler clairement à la vue de tous, en utilisant un langage vulgaire qui sonne déplacé de temps à autre.
Il s’agit somme toute d’un divertissement fort agréable et très abordable.
Baiseries, à l’Espace Geordi, jusqu’au 27 mars.