L’enfer évoque immédiatement les flammes éternelles, les supplices interminables, la souffrance physique à la limite de l’insupportable. Et s’il existait une punition pire que la douleur corporelle? C’est ce que l’on découvre dans Huis clos, la célèbre pièce de Jean-Paul Sartre, montée au Théâtre du Nouveau Monde (TNM) par Lorraine Pintal et solidement interprétée par Patrice Robitaille, Julie Le Breton et Pascale Bussières.
Trois personnages, trois morts, trois condamnés aux flammes éternelles de l’enfer. Mais l’enfer, n’est-ce pas plutôt le fait d’être irrémédiablement condamné à subir ses compagnons, à se débattre avec ses pensées? C’est ce que découvriront bien assez tôt Garcin (Robitaille), journaliste et déserteur, Inès (Bussières), responsable du meurtre du mari de son amante, et Estelle (Le Breton), coupable d’avoir tué son propre enfant. Au sein d’un décor épuré – une cage dont on ne voit que les barreaux formant la pièce où les trois protagonistes sont enfermés pour l’éternité – les trois acteurs se donnent la réplique avec une vivacité et une intensité presque insoutenable.
Rien n’est simple, surtout pas en enfer, et si les personnages pénètrent en ce lieu maudit en croyant maintenir de fausses apparences, ils auront tôt fait de laisser tomber leur masque. Impossible de dormir, impossible de penser à autre chose, impossible de fuir. Rapidement, des liens et des relations se créeront entre Garcin, Inès et Estelle, chacun voulant profiter de l’autre; ils se rendront cependant rapidement compte qu’il ne sert à rien d’orchestrer de vastes machinations. Après tout, ils sont en enfer pour y rester.
Les dialogues de Sartre sont lourds de sens, et l’interprétation est juste et livrée avec un talent certain. C’est d’ailleurs l’occasion de découvrir toute l’étendue du registre de Patric Robitaille, qui nous a surtout habitué à des rôles au langage plus châtié. Une mention spéciale, également, à Sébastien Dodge, dans le rôle du Garçon. Son énigmatique personnage en déstabilisera plus d’un.
Une pièce à voir, donc, pour exercer quelque peu ses synapses.
Huis clos, au TNM, jusqu’au 3 avril.