Il y a eu le film de Louis Bélanger, et il y a maintenant son adaptation théâtrale par David Laurin dans une belle et originale mise en scène d’Édith Patenaude et sur une excellente musique de Mathieu Désy.
À Limoilou, la station-service du Boss, ainsi que tout le monde le surnomme, a du mal à rester à flot. Veuf et affaibli par la maladie de Parkinson, le Boss est aussi le père attentif de Réjean et de Guy, deux jeunes hommes qui ont leurs propres rêves, et d’une adolescente, Danièle, qui va toujours à l’école. Les longues journées de travail avec peu de clients, les petits larcins et la hausse de la délinquance, avec en plus la concurrence d’une station moderne et en libre-service à proximité rend la survie du Gaz Bar illusoire.
Pourtant, c’est tout un monde qui évolue autour de l’établissement. Le lieu ne sert pas seulement aux automobilistes qui remplissent leurs réservoirs ou nécessitent quelques réparations à leurs véhicules. Il est le centre de tout un univers qui permet aux gens du quartier de se rencontrer, de se parler, de vivre en somme.
En deux heures de spectacle, on est plongé dans une atmosphère musicale bon enfant, tendre, moqueuse et drôle, intelligente. La musique y tient une place énorme : joyeuse, douce ou pleine de colère rentrée. Les acteurs s’expriment à la fois par le jeu et par l’interprétation musicale, ce qui rend le spectacle particulièrement original et réussi.
Et en ce lieu, le Gaz Bar, un peu au milieu de nulle part et sans beaucoup de nouvelles rencontres, on est quand même au centre d’un monde qui se transforme et qu’on observe en direct.
Car l’action se déroule en novembre 1989, au moment de la chute du mur de Berlin, au-delà de l’Atlantique. Réjean, le fils dévoué à son père, mais attiré par la photographie et des idéaux de société, ne résiste pas à l’envie d’aller voir lui-même ce qui se passe là-bas. Son jeune frère Guy, plus jouisseur de la vie, préfère écouter ou jouer de la musique sur son harmonica et conduire des voitures de fabrication étrangères qu’aller tenir dès l’aube le comptoir du Gaz Bar. S’il y avait une personne pour reprendre le commerce, ce serait plutôt Danièle, très douée en tout et particulièrement en mécanique. Mais ce n’est pas la place d’une fille pour son père qui aspire à ce qu’elle mette ses talents au service de ses études.
Et les nouvelles du monde, on les a par Louis qui traine au Gaz Bar et lit son journal chaque matin. Louis n’est pas le seul à faire du Gaz Bar le centre de son existence, Il y a aussi Gaston, Ti-Pit, Coyote… et tout un monde d’autres hommes simples et ordinaires, des habitués qui touchent le BS ou s’adonnent à quelques activités répréhensibles.
Dans un beau décor fait de bric et de broc, comme on en voit parfois dans les stations-service, c’est tout ce monde qui évolue au rythme des journées et de la musique. Même s’il ne se passe pas grand-chose autour de la pompe à essence, une multitude de petits événements surviennent, drôles, tendres ou dramatiques et toujours musicaux.
Les personnages sont extrêmement attachants, les acteurs incroyablement doués. Gaz Bar Blues est un très beau spectacle, qui rend nostalgique d’un monde disparu, remplacé par un autre plus fonctionnel et pratique, mais dont on regrette le charme d’antan.
Gaz Bar Blues, d’après le film de Louis Bélanger
Adaptation théâtrale : David Laurin
Mise en scène : Édith Patenaude
Interprétation : Bertrand Alain, Miryam Amrouche, Claude Despins, Martin Drainville, Francis La Haye, Frédéric Lemay, Hubert Lemire, Steven Lee Potvin, Jean-François Poulin
En coproduction avec La Bordée
Gaz Bar Blues, du 18 janvier au 18 février 2023 au théâtre Jean-Duceppe