Berlin, 1949. Après la Deuxième Guerre mondiale, mais avant le pic de la Guerre froide. Avant le Mur, donc. Mais pour l’auteur Joseph Kanon, il s’agit-là de l’environnement idéal pour s’y faire affronter les personnages de son roman intitulé… hé bien, Berlin 49.
Dans la capitale allemande encore en ruines suite aux bombardements ayant mis fin au régime nazi, l’écrivain communiste Alex Meier revient dans la ville de son enfance après avoir été emprisonné dans les années 1930, puis avoir pris la fuite aux États-Unis avant d’en repartir, chassé par la crainte du péril communiste chez l’Oncle Sam.
Il retrouve une métropole fantôme, scindée entre deux anciens alliés désormais frères ennemis. Accueilli en héros à l’Est, il plonge très rapidement dans l’univers d’intrigues, d’espionnage et de meurtres qui régnera à Berlin jusqu’à la chute du Mur. Recruté par les Américains, il deviendra éventuellement agent double, les Soviétiques – ou plutôt les socialistes allemands – exigeant qu’il montre patte blanche afin de témoigner de sa reconnaissance envers Staline et l’URSS.
Ce retour à Berlin sera aussi l’occasion de plonger dans ses souvenirs, y compris en revoyant des amis qu’il pensait disparus. L’une s’est entichée d’un officier soviétique. L’autre est maintenant haut gradé dans ce qui a remplacé la Gestapo.
Mais Alex Meier est-il uniquement un écrivain? Les Américains font-ils pression sur lui pour qu’il puisse retrouver son fils resté vivre aux États-Unis? Et quid des Allemands de l’Est qui retiennent aussi ses services pour espionner sur les ennemis du régime?
Amours ressuscitées, espionnage, meurtres, tensions idéologiques, travers du capitalisme comme du communisme, Berlin 49 (bien plus agréablement titré Leaving Berlin dans sa version originale américaine) est à l’image du Passager d’Istanbul, le précédent titre de Kanon traduit en français. Un roman transportant le lecteur dans un environnement inhabituel, loin des forêts suédoises, de Los Angeles, de Boston ou d’Édimbourg, dans un contexte historique particulièrement chargé, et avec des personnages plus grands que nature. Le fait que Kanon publie deux romans se déroulant au tout début de la Guerre froide n’est certainement pas une coïncidence non plus. L’homme semble savoir de quoi il parle, et c’est avec un grand plaisir que l’on découvre, page après page, les rocambolesques aventures de ses héros. Berlin 49 est d’ailleurs un peu plus rapide que Le passager d’Istanbul, mais le livre ne tombe jamais dans la surenchère grossière. La preuve, donc, qu’il est possible de reprendre une partie du meilleur de Le Carré, d’y ajouter une bonne dose de dystopie orwelienne et de saupoudrer le tout de scènes d’action.
À mettre dans toutes les bibliothèques et à dévorer sans modération.
Berlin 49, de Joseph Kanon, publié chez Seuil. 452 pages.