Oui, il y a les combats, dans les tranchées, le long de la ligne de front. Ou encore les raids, l’incursion dans la région de Koursk, en Russie même. Mais après trois ans de guerre en Ukraine, pour une organisation humanitaire impliquée sur le terrain, le constat est clair: les choses empirent. Et ce sont entre autres les enfants qui en souffrent.
En entrevue avec Pieuvre, la Dre Adriana Bara, directrice nationale de CNEWA Canada, l’Association catholique d’aide à l’Orient, explique que l’organisation offrait déjà des services, en Ukraine, depuis 2004. Mais l’invasion russe à grande échelle, en 2022, a évidemment tout chamboulé.
Depuis trois ans, donc, CNEWA vient en aide à ceux et celles qui ont fui les combats, mais qui sont toujours en Ukraine, généralement réfugiés à l’ouest, loin des explosions et des tirs. D’ailleurs, mentionne la Dre Bara, en sol ukrainien, le réseau d’aide soutenu par les différentes Églises est plus solide qu’ailleurs.
« C’est très touchant de voir qu’en Ukraine, les gens ne sont pas dans la rue », explique-t-elle. « Parce que les églises, les monastères et les écoles ont ouvert leurs portes pour accueillir les personnes déplacées. Et quand ces déplacés commencent leur nouvelle vie, après avoir trouvé un travail, ces gens soutiennent à leur tour les institutions qui leur ont fourni de l’aide. »
Sur le terrain, CNEWA Canada a, depuis 2022, « distribué des centaines, des milliers de boîtes de nourriture » à la population. « On peut voir une solidarité extraordinaire entre les Ukrainiens », a ajouté la Dre Bara.
« C’est de pire en pire »
Après trois ans de guerre, on pourrait peut-être espérer que la population ukrainienne a adopté une certaine routine. Mais, comme le mentionne la directrice nationale de CNEWA Canada, il ne faut pas confondre guerre à long terme et amélioration de la situation, bien au contraire.
« Les choses ne se sont pas améliorées », déplore-t-elle. Et l’effet cumulatif des combats se fait sentir au sein de la population, dit-elle. « Nous avons malgré tout espoir que les choses se termineront, un jour, avec une paix juste. »
Et qui dit aide humanitaire, dit aussi soutien financier d’une partie de la population, notamment au Canada. Mais un peu plus d’un an après le début de cette guerre à grande échelle, le Hamas lançait son attaque-surprise contre Israël, à partir de la bande de Gaza, ce qui a entraîné une crise humanitaire majeure… et poussé certains donateurs à se concentrer sur le Proche-Orient, plutôt que sur l’Europe.
« Nous avons effectivement reçu moins d’argent, comparativement à la première année du conflit en Ukraine », reconnaît la Dre Bara. « Des fois, nous constatons une fatigue des donateurs, qui font malgré tout preuve d’une générosité inimaginable. »
La Dre Bara se dit d’ailleurs « convaincue que si la guerre prenait fin demain matin, on verrait un regain d’intérêt des donateurs, pour aider à la reconstruction de l’Ukraine ».
La réalité de la guerre impose aussi certains choix: « On offre beaucoup d’aide alimentaire, de l’aide psychologique, de l’aide aux futurs membres du clergé ukrainien… Mais on ne peut pas investir beaucoup d’argent dans les bâtiments, parce qu’on ne sait pas s’il y aura un bombardement. »
Et l’Ukraine et la bande de Gaza ne sont pas les seuls régions du monde où la CNEWA offre ses services: l’Éthiopie, elle aussi ébranlée par la guerre, reçoit de l’aide. Tout comme l’Inde.
« Oui, il y a une fatigue des donateurs… Combiné à l’espoir que la guerre va se terminer, qu’on pourra aider pour quelque chose d’autre, pour reconstruire l’Ukraine », ajoute la Dre Bara.
Celle-ci précise d’ailleurs que CNEWA Canada « ne fait pas de réserves de fonds, puisque nous allons directement sur le terrain pour aider les gens, en fonction des besoins ».
Et qu’en est-il des chambardements sur la scène politique mondiale, avec les déclarations tonitruantes du nouveau président américain? « Nous ne prenons pas cela en considération », soutient la Dre Bara. « Pour nous, l’important, c’est d’aider. Où y a-t-il des besoins? Où doit-on aller? »
La directrice de CNEWA Canada dit d’ailleurs constamment suivre l’exemple du « grand patron » de l’agence, c’est-à-dire le pape, puisqu’il s’agit d’une organisation pontificale.
« C’est notre boss! », lance la Dre Bara, sourire en coin. Et pour elle, suivre l’exemple du souverain pontife consiste à « aider les frères et les soeurs dans le besoin à l’aide programmes pastoraux, de programmes humanitaires et par des programmes d’éducation ».