Grand habitué de la plateforme Netflix, le réalisateur, scénariste et producteur Mike Flanagan a rapidement réussi à faire sa marque du côté des oeuvres dramatiques possédant une part non négligeable d’horreur. Et avec The Fall of the House of Usher, non seulement M. Flanagan cimente-t-il sa réputation comme artiste et créateur, mais il propose aussi ce qui est sans doute sa meilleure série jusqu’à présent.
Très, très largement inspirée de l’oeuvre d’Edgar Allan Poe, ce poète aux idées noires qui mourut, comme le dit la chanson, « dans un caniveau, victime du delirium tremens« , The Fall of the House of Usher raconte l’histoire de Roderick et Madeline Usher, frère et soeur, qui bâtiront un empire pharmaceutique et économique en s’adonnant à la tricherie, au mensonge, à la manipulation… Et cela, ce n’est que ce qu’il est possible d’apercevoir à la surface d’un sombre et glauque océan de crimes et de cruauté alimenté par l’ambition et une soif inextinguible de pouvoir.
Sauf que… sauf que, la série débute et toute la famille de Roderick Usher – en fait, tous ses enfants, et même son petit enfant – est morte et sur le point d’être enterrée. Qu’est-ce qui a causé autant de décès plus violents les uns que les autres? Pourquoi le sort s’acharne-t-il sur la famille Usher?
À cela, Mike Flanagan répondra en huit épisodes, chacun avec une dose croissante d’angoisse, de peur, de terreur. L’oeuvre n’est pas classée comme étant de « l’horreur gothique » pour rien: plutôt que de donner directement dans les viscères et la violence gratuite, Flanagan s’amuse en tissant une toile dans laquelle non seulement ses personnages finiront-ils par tomber, mais ladite toile vise aussi le public, ces téléspectateurs accrochés à l’écran, dans l’attente de nouvelles révélations.
Les amateurs de la littérature de Poe seront en terrain plus que connu: outre le titre de la série, qui est aussi celui d’une nouvelle du célèbre auteur, chacun des huit épisodes porte le nom d’une autre oeuvre du poète. Tout comme les noms des personnages principaux, qui sont eux aussi tirés du même univers sombre et torturé. Enfin, les scénarios des épisodes eux-mêmes sont directement dérivés des sinistres nouvelles et poèmes déjà connus. On ne s’étonnera donc pas, par exemple, qu’un personnage soit victime de la Mort rouge, qu’un autre soit tué par un grand singe, ou qu’un troisième périsse charcuté par une lame attachée au bout d’un pendule. Et que dire du bruit de ce coeur caché quelque part, qui finira par rendre fou?
Est-ce donc un hommage, une adaptation avec une couche de modernité, ou un mélange des deux? Seul M. Flanagan le sait. Ce qui est évident, toutefois, c’est que pour atteindre son but consistant à créer ce surprenant mélange de drame corporatif contemporain, de surnaturel et de terreur, le créateur de la série a su choisir de fantastiques acteurs, dont plusieurs sont des habitués de ses oeuvres.
Soulignons ainsi le jeu impeccable de Bruce Greenwood et de Mary McDonnell, respectivement Roderick et Madeline Usher, ou encore Carl Lumbly, génial en Auguste Dupin, à la fois le procureur voulant faire tomber la famille Usher et le confident de Roderick.
Parmi les autres excellents choix en matière de distribution, soulignons la présence de Carla Gugino, qui interprète la mystérieuse et énigmatique Verna, ou encore Mark Hamill, à un million d’années-lumière de son rôle iconique de Luke Skywalker, qui joue ici un avocat plus que véreux qui ne recule devant rien pour assurer la victoire de ses clients, les Usher.
Si certains épisodes démontrent une certaine adéquation entre le côté « vieillot » des écrits de Poe, que l’on imagine sans peine se dérouler au 19e siècle, et la modernité de l’époque où se passe la série, ce côté de l’oeuvre est rapidement oublié pour faire place à une chute de plus en plus rapide vers les Enfers.
Superbe hommage à Edgar Allan Poe porté par une distribution sans faille, The Fall of the House of Usher est non seulement une oeuvre idéale pour se faire peur, mais aussi – et surtout – la preuve qu’il est encore tout à fait possible de disposer d’une liberté d’agir pour produire du contenu aussi original que passionnant.