Enfin, j’ai visionné Barbie en salles, après des semaines – des mois, que dis-je! – d’attente! La fillette en moi était comblée, d’une part, de voir son jouet préféré prendre vie devant elle. Admettons-le d’emblée, Margot Robbie EST Barbie. Après une telle performance, où l’actrice incarne avec naturel le caractère de la célébrissime poupée, à laquelle elle ressemble beaucoup, il serait difficile d’imaginer quelqu’un d’autre dans ce rôle. Idem pour Ryan Gosling, qui campe un Ken plus grand que nature, quoiqu’un peu détestable par moments.
D’abord, l’univers de Barbie Land. Le monde de ces poupées où tout va toujours bien et où chaque jour est le plus beau jour de notre vie a été recréé jusque dans ses moindres détails et suscite la nostalgie à coup sûr. On y reconnaît des maisons de rêve, des poupées et des accessoires avec lesquels on a joué quand on était petite, sinon qu’on a encerclé dans un catalogue de jouets dans l’espoir de les recevoir à Noël. Honnêtement, l’équipe des décors et des accessoires devrait remporter un prix, on leur souhaite rien de moins qu’un Oscar!
Puis, on remarque la diversité des « poupées » Barbie montrées à l’écran. L’inventaire des différentes carrières de la plus célèbre blonde d’Amérique et de son entourage est vaste et, une fois de plus, titille la fibre nostalgique en nous montrant assurément une ou plusieurs incarnations de la poupée avec laquelle nous avons nous-mêmes joué il y a quelques décennies de cela.
Coup de cœur à la manière dont toutes ces Barbie, Ken et le seul et unique Allan (hilarant Michael Cera) évoluent dans le Barbie Land – ils ne boivent pas réellement, pas plus qu’ils ne mangent. Et pas besoin d’utiliser les escaliers, Barbie flotte du haut de sa maison de rêve jusqu’à sa voiture : personne ne prend le temps de lui faire descendre les escaliers, dans la vraie vie.
C’est ce côté meta du film, où les enfants qui jouent à la poupée provoquent des changements réels dans l’univers de Barbie. C’est d’ailleurs là l’élément déclencheur du film, où Barbie entamera une crise existentielle qui l’amènera dans le vrai monde où elle découvrira que tout n’est pas aussi rose qu’elle le croyait…
Ajoutons à cette recette gagnante un grand sens de l’autodérision de la compagnie Mattel. On se souviendra qu’au tournant des années 2000, le géant du jouet avait livré une bataille judiciaire sans merci au groupe danois Aqua pour sa chanson-parodie « Barbie Girl », souhaitant protéger l’image de sa marque-phare. Force est d’admettre que vingt-cinq ans plus tard, ce litige est non seulement loin derrière – la trame sonore du film inclut un extrait de ce ver d’oreille incomparable, signe que Mattel a compris qu’il gagnerait au change (et pas juste une poignée de change) de garder ses anciens ennemis très proches.
Barbie et Ken controversés
On sourira aussi en voyant des personnages inspirés de poupées controversées, comme Skipper, la jeune sœur de Barbie, qui se fait pousser une poitrine en levant le bras, Midge, l’amie enceinte de Barbie (elle avait suscité un tollé chez une certaine branche des consommateurs américains, convaincus qu’on faisait la promotion des mères célibataires, sacrilège!) et même du mythique Earring Magic Ken, égérie gaie des années 1990. Si on voit ces personnages au grand écran, c’est que Greta Gerwig a eu le feu vert de Mattel.
Fait très rafraîchissant, la compagnie assume d’ailleurs ses travers, un clin d’œil aux ennuis de la créatrice de Barbie, Ruth Handler, avec le fisc et les attentes irréalistes qu’a créés la poupée chez bon nombre de femmes au fil des décennies.
Par contre, la présence, dans la trame narrative, d’un groupe de travailleurs de chez Mattel (avec pour patron un Will Ferrell à fleur de peau), n’a pas l’effet escompté. On aurait très bien pu vivre sans cette espèce de chasse à la Barbie qui n’apporte pas grand-chose à l’histoire, outre une bien jolie scène entre Barbie et sa créatrice et quelques moments cocasses.
En fait, le défaut de Barbie, le film, c’est son histoire, somme toute assez simple. La protagoniste traverse une crise existentielle qui la mènera à faire un grand voyage à la recherche d’elle-même, pendant lequel elle rencontrera des alliées. Pendant son absence, ce qu’elle considérait comme son chez soi se transforme drastiquement, et pas pour le mieux. On se croirait dans la royaume des lions sous le règne de Scar pendant l’exile de Simbra, dans Le Roi Lion…
Côté narratif, Barbie est loin de réinventer la roue. On n’a fait qu’y appliquer une épaisse couche de peinture rose.
Mais bon, comme il s’agit de Barbie, tout est bien qui finira bien. On se réserve le clou final de l’histoire pour ne pas éventer son dénouement, mais disons que la toute dernière réplique du film à elle seule vaut le détour.