Quelque chose comme une jasette entre amis : deux copains de longue date, que l’on peut imaginer être dans la quarantaine, ou quelque chose d’avoisinant, éclusent bière après bière en taillant le bout de gras. Puis, les choses changent peu à peu; voilà toute la beauté d’Oiseaux de nuit, un roman graphique lent, mais prenant.
Ou peut-être est-il prenant parce qu’il est lent, justement? Jaroslav Rudis et Nicolas Mahler proposent un monde ordinaire, mais aussi un monde complexe : on comprendra, éventuellement, que les deux personnages présents dans la bande dessinée vivent à Prague, en République tchèque. Et avec cela vient non seulement le poids de l’histoire – d’autant plus que l’un de nos protagonistes a justement consacré sa vie à l’étude des choses historiques –, mais aussi, en un sens, avec un poids social.
Toutes ces influences, tous ces impacts perpétués à travers les générations, tout cela se mélange à la camaraderie à la fois simple et complexe entre nos deux hommes. Ceux-ci, probablement fort de plusieurs décennies d’amitié, n’ont plus nécessairement besoin de tout se dire, et laissent plutôt les silences parler, à l’occasion.
C’est aussi au coeur de cette camaraderie, de cette masculinité dans ce qu’elle peut avoir de meilleur, que l’on en viendra à apprendre de terribles choses, des secrets bien gardés, enfouis depuis des années.
Tout cela est présenté de façon particulièrement sobre; au diable les fioritures, MM. Rudis et Mahler s’approprient, avec leurs Oiseaux de nuit, les codes de la discussion franche entre deux hommes, entre deux amis, dans le contexte particulier de la fin de soirée, voire de la nuit qui avance lentement. Lorsqu’il est tard, très tard, plus besoin de se casser la tête : les vérités sortent d’elles-mêmes.
Oiseaux de nuit fait partie de ces livres qui s’imposent comme des ouvrages capables de surmonter les obstacles des clichés accolés à ce genre d’échanges, pour plutôt montrer une facette de la vie humaine qui est souvent passée sous silence.
Oiseaux de nuit, de Nicolas Mahler et Jaroslav Rudis, traduit par Aurélie Marquer; publié aux éditions L’Association, 144 pages