Des chercheurs de l’Université de Sydney ont mis au point un processus de culture biologique qui utilise des champignons pour transformer des déchets organiques en des produits compostables; le tout pourrait représenter une solution « verte » et à faible coût aux plastiques.
Les travaux des spécialistes, publiés dans Proceedings of the 2023 CHI Conference on Human Factors in Computing Systems, s’articulent autour de la production de matériaux à base de champignons, soit un mélange avec des déchets tels que du bran de scie et du carton. Le tout est ensuite transformé en produits de tous les jours à l’aide de moules en trois dimensions.
En utilisant un logiciel et un processus de conception biologique, soit le fait de prendre un design complexe et de le transformer en un moule, il est ainsi possible de créer un cadre pour le matériau vivant, qui sert ensuite à fabriquer des objets.
« Nous avions eu du succès avec un kit pour faire pousser ses propres champignons, en ajoutant des déchets de mouture du café, puis en imprimant des moules en 3D pour former le matériau et obtenir des designs intéressants et utiles », mentionne le Dr Philip Gough, qui a codirigé l’étude en compagnie du Dr Anusha Withana.
« Le tout est léger et a la texture du papier, alors c’est intéressant pour les concepteurs. Et le fait d’être compostable permet de représenter une alternative durable aux plastiques, qui seront toujours présents dans l’environnement longtemps après l’obsolescence de leur technologie. Peut-être qu’un jour, l’étui de votre téléphone intelligent, ou d’autres appareils électriques, seront formés à partir d’un matériau qui ne va pas à la décharge quand vous avez fini de vous en servir, mais dans votre jardin. »
L’étude se penche sur la façon dont les concepteurs peuvent utiliser les capacités naturelles des champignons comestibles dans le cadre du processus de design.
Ainsi, certains champignons pouvant aisément être trouvés à l’épicerie, peuvent être utilisés pour créer de nouveaux matériaux. Ces champignons viennent lier des déchets biologiques au sein de leur réseau de racines pendant leur croissance, en créant des structures appelées mycélium. Si ce matériau est séché avant de devenir un champignon, le mycélium peut être utilisé pour former un tissu similaire à du cuir, ou encore un matériau rigide et léger qui peut être moulé en plusieurs formes.
Les chercheurs ont ainsi créé des moules pour des formes simples comme des sphères, une théière et un lapin, avant de pousser le concept plus avant afin de créer des designs plus complexes et utiles qui s’appuient sur les capacités naturelles des champignons.
Le mycélium peut aussi être cultivé autour de composantes électroniques intégrées, par exemple un pot de fleurs disposant de senseurs qui permettent de surveiller l’état du terreau.
Nombreux avantages
« Lorsque le moule plastique d’un appareil de tous les jours brise, il est pratiquement impossible de le réparer soi-même, parce que vous ne pouvez fabriquer de composantes en plastique à la maison. Les matériaux à base de champignons offrent l’opportunité des réparations à faire soi-même, puisqu’ils peuvent être cultivés chez soi. Le plastique brisé est aussi un déchet, et pourrait ne pas être recyclable, mais les champignons sont compostables. »
« Notre processus peut être employé par quiconque dans leur propre domicile, sans équipement spécialisé. Par exemple, nous démontrons une façon de remplacer de l’équipement de laboratoire onéreux avec un malaxeur abordable, une cocotte-minute et une glacière. Et le logiciel que nous avons conçu fait disparaître toutes les complexités associées au processus de production, alors vous pouvez transformer vos designs en des formats cultivables sans vous inquiéter à propos des détails techniques », a mentionné le Dr Gough.
« Un autre domaine dans lequel nous travaillons est celui de la création d’appareils permettant d’aider les personnes handicapées ou celles qui souffrent de maladies chroniques. Notre méthode de culture de champignons permettra de créer aisément des produits à l’aide de déchets organiques accessibles localement, le tout pour une fraction du prix », a-t-il ajouté.
Et en Australie, l’équipe de recherche estime que là aussi, il y a matière à utilisation de cette technologie. « C’est un grand pays, avec plusieurs régions éloignées, et les questions de chaînes d’approvisionnement sont très importantes. Je crois que des méthodes comme ce que nous proposons peut entraîner un changement fondamental dans la façon dont nous pensons à ces systèmes d’approvisionnement. À l’avenir, votre prochain électroménager pourrait être créé à partir des déchets organiques contenus dans votre poubelle de cuisine, plutôt qu’à l’aide de plastiques et de métaux qui doivent être transportés sur de très grandes distances », a mentionné, pour sa part, le Dr Withana.
« Les processus de fabrication traditionnels sont aussi gourmands en énergie. Les plastiques sont fabriqués à partir de combustibles fossiles qui doivent être extraits, transportés à travers la planète, transformés, puis fabriqués », a rappelé le Dr Gough.
« Notre travail transforme ce système : les matériaux à base champignons demandent peu d’énergie, et peuvent même représenter une façon de capter du carbone. Ils tirent leur énergie des déchets, comme le bran de scie, le carton ou les grains de café. »
La prochaine étape, pour les chercheurs, consistent à trouver une méthode pour imprimer ces matériaux directement, ce qui permettrait de fabriquer des produits de plus grande taille et d’utiliser de moins grandes quantités de matériaux.