Même lorsqu’on comprend la langue dans laquelle ils sont racontés, les contes traditionnels demeurent souvent mystérieux quand ils ne sont pas incompréhensibles. Car s’ils sont parfois ancrés dans une certaine réalité historique, ils mettent aussi en scène des créatures étranges venues de l’au-delà, mi-animales mi-humaines, qui apparaissent parfois dans notre sommeil par l’intermédiaire de nos rêves et qui nous terrorisent ou qui nous aident dans les épreuves auxquelles nous faisons face.
Le magnifique ballet Miigis : La Panthère d’eau, proposé dans le cadre de Danse Danse par la compagnie Red sky performance, se présente comme un conte de la culture des Anishinaabes (Ojibwès) et il débute probablement par le traditionnel « il était une fois ».
Il était une fois… une petite communauté, représentée par six danseurs (quatre femmes et deux hommes), partageant un abri pour dormir près d’une forêt aux arbres gigantesques et sur les rives d’un fleuve aux eaux très agitées. Et si le ciel dégagé est majestueux avec sa pleine lune et ses étoiles filantes, on sent alentour une nature hostile qu’il s’agit de dompter avec peut-être l’aide de quelque créature aux pouvoirs surnaturels.
Sur la musique live de quatre artistes à la guitare électrique, à la batterie, au chant et aux multiples petits instruments à percussion ou à vent, dont une sorte de rhombe et un coquillage dans lequel on souffle délicatement, les six danseurs semblent nous inviter dans leurs apparitions nocturnes. La nuit est profonde et ils dorment d’un sommeil agité par leurs rêves.
Le jour se lève et c’est le départ sur le fleuve impétueux. Les embruns arrosent les navigateurs d’un frêle esquif; tout le monde rit, mais c’est soudain l’accident. Une femme disparait dans les eaux insondables.
Le ballet offert sur cette musique envoutante avec en fond de scène de multiples projections vidéo raconte une histoire que chaque spectateur interprète à sa guise. La chorégraphie impose aux danseurs des performances très physiques, parfois acrobatiques. On les voit dans de magnifiques solos, des duos amoureux ou de superbes danses coordonnées. Les images en fond d’écran évoquent leur existence sur ces terres immenses où il faut négocier avec les éléments pour survivre, et toutes les difficultés de la vie dont celles dont ces populations auraient pu se passer puisqu’elles furent la conséquence de persécution totalement injustifiables.
En une heure de temps, dans une salle où on a tout loisir d’observer les danseurs de très près, les spectateurs sont projetés dans un univers à la fois merveilleux et inquiétant, très beau d’un point de vue esthétique et aux multiples cicatrices aux douleurs encore vivantes.
Red Sky Performance
Miigis : La Panthère d’eau
Concept, chorégraphie et direction artistique : Sandra Laronde.
Du 14 au 18 février 2023 au Studio-théâtre de l’Édifice Wilder, à Montréal