Le réalisateur Philippe Le Guay est capable du pire comme du meilleur et, bien qu’insuffisant à ses heures, L’homme de la cave n’en demeure pas moins une œuvre dérangeante qui s’immisce sournoisement en nous.
Clin d’œil ou non, Philippe Le Guay passe littéralement du sixième étage (brièvement utilisée au début du film d’ailleurs) à la cave pour explorer une noirceur qui lui est tout sauf familière, lui qui a presque toujours abordé la douceur et la légèreté, alternant entre le joli drame et la franche comédie. Il s’agit d’un changement de cap qui pourrait paraître forcé, mais qui surprend par la candeur avec lequel le sujet semble allumer le réalisateur à tous les niveaux.
Plus actuel que jamais, il devient difficile de ne pas se lancer dans la critique du film sans en dévoiler le principal élément déclencheur, ce que nous tenterons d’éviter.
Tout commence simplement alors qu’un couple décide de vendre leur cave à un homme qui semble sans histoire, dans l’idée qu’il y entreposerait ses choses comme d’un locker. Les choses prennent une tournure bizarroïde lorsque l’homme en question décide d’y loger temporairement. Le hic, c’est que c’est seulement le début des soucis puisque ses véritables motifs, calculés ou non, seront encore plus sombres qu’on l’imaginerait au départ.
Fidèle à ses habitudes, Le Guay assemble une impressionnante distribution. D’ailleurs, à l’instar de Karin Viard dans le Chanson douce d’il y a quelques années, on a ici une nouvelle confirmation que les grands comédiens sont en mesure de tout jouer et aussi de se mettre au défi et en danger. Difficile d’être plus perturbé par cette performance insidieuse de François Cluzet qui use de la provocation et de l’habile manipulation comme d’un second langage. Cette performance glaciale qui pourrait très bien sortir d’un film d’horreur devient le cœur du film qui permet de troubler bien au-delà de ses dérangeantes thématiques. De quoi rappeler son énigmatique personnage dans À l’origine, mais en mode plus trouble, plus dangereux encore.
À lui, s’ajoute une Bérénice Béjo comme toujours bien investie, alors que la dualité entre l’impulsif Jonathan Zaccaï et la nuance déchirante du délicat et timidement naïf Jérémie Renier qui essaie de tout bien faire entre honte et désir d’avancer, nous fait croire sans mal à la fraternité qui les lie.
On reconnaît ici l’intérêt du cinéaste pour la puissance des lieux. Celui qui a utilisé un étage supérieur pour représenter l’ultime échappatoire dans son jubilatoire, libérateur et peut-être meilleur film en carrière Les femmes du sixième étage, s’entiche cette fois des bas-fonds pour faire ressurgir les fantômes du passé, eux qui ne sont jamais bien loin.
Certes, on pourra reprocher au film d’allumer toutes les mèches et de laisser l’ensemble imploser de lui-même dans une fin qui ne sera pas du goût de tous, mais il sera difficile de pas lui accorder la force de s’immiscer dans les esprits et d’alimenter de nombreux débats notamment sur la force des idées, le danger du doute et le sadisme de certains à utiliser la douleur de soi et des autres comme d’un jeu. Le côté obsessionnel est aussi habilement montré, tout comme à quel point de petits riens peuvent grandement affecter les équilibres fragiles de fondations à risques.
Casse-tête sans réelle résolution, L’homme de la cave captive. Sa caméra capte ses personnages et ses lieux et souvent même les coincent à l’intérieur, dans une angoisse prenante que les mélodies de Bruno Coulais rattrapent rapidement. Il y aura bien plusieurs revirements maladroits ou plus inutiles (notamment tout ce qui impliquera les adolescents), tout comme d’une sensation par moment d’avoir voulu toucher ces sujets importants sans creuser entièrement au cœur des problèmes, mais on se laissera certainement prendre par le suspense le temps d’un instant.
7/10
L’homme de la cave prend l’affiche en salle ce vendredi 16 décembre.