Une artiste à succès qui raconte sa vie et sa carrière dans un solo sur scène, cela peut faire craindre à un spectacle autocontemplatif qui n’intéresserait que les admirateurs inconditionnels de l’actrice. Mais il n’en est rien, bien au contraire. La chair de Julia est un voyage passionnant et particulièrement émouvant à travers toute la vie sociale et culturelle du Québec et d’ailleurs, de ce dernier demi-siècle et jusqu’à aujourd’hui.
Sur la scène, des objets qui appellent à la nostalgie : deux coffres qui renferment peut-être des trésors, un tapis ancien, une valise, des lampes d’intérieurs un peu vintage, une psyché, un porte-manteau, une sorte de grande armoire dans laquelle tourne un vieux gramophone, ou qui accueillera diverses projections ou marionnettes lumineuses.
L’atmosphère musicale est assurée au piano par Michel Smith. Julie Vincent apparait dans une robe noire classique avec col claudine (dont elle changera plusieurs fois au cours du spectacle). Et dans ce petit théâtre de l’Esquisse, à la fois confortable et intime, les spectateurs sont immédiatement plongés entre deux périodes, aujourd’hui et un passé que Julie Vincent déroule à travers une multitude d’anecdotes, de rencontres, de souvenirs, de chansons, avec un souffle incroyable et de manière très originale et talentueuse.
Julie Vincent débute son récit par la mort de son père. Cet événement fondateur et dramatique la fait rentrer à Montréal, elle, qui vit depuis une pandémie et quelques années en Amérique du Sud, entre Montevideo et Valparaiso… Du coup, ce retour et son spectacle sont remplis aussi de références à ce continent d’où elle rapporte quelque chose du style théâtral, avec l’assistance d’une marionnettiste Paola Huitron, et de ses multiples personnages sous la forme de poupées géantes, de projections et d’ombres, ou de figures de bois, de tissus et de carton…
Pour ceux qui connaissent bien ce passé récent de la vie culturelle du Québec, tous ces rappels à des événements marquants de la scène ou du petit écran, du combat que les femmes de la génération de Julie Vincent devaient mener pour ne pas reproduire le modèle de leurs mères et tenter une carrière artistique, sont un véritable régal grâce à la forme que leur donne le spectacle et sa conception. On rit beaucoup, on est ému, on se souvient ou on découvre des détails qu’on ignorait jusque-là.
Pendant une durée d’une heure et trente minutes, c’est toute la perspective d’un destin individuel auquel on peut s’identifier que Julie Vincent déploie, le tout sur fond d’une histoire sociale qui se poursuit sous nos yeux.
La chair de Julia, de Julie Vincent
Mise en scène : Julie Vincent et Philippe Soldevila
Assistance et régie : Camila Forteza | Scénographie, éclairage et accessoires : Rodolphe St-Arneault | Conception et manipulation des marionnettes : Paola Huitron | Dessins Julie Vincent | Conception sonore, piano Michel Smith
La chair de Julia, du 7 au 30 mai 2022 au Théâtre de l’Esquisse