Flotter dans le vide intersidéral. Errer dans l’infini, avec comme seule trame sonore cette guitare presque timide, ces accords délicats. Soudainement, voilà que la guitare électrique branchée à un ampli « mis à 11 » et la basse embarquent, et l’on se rappelle soudainement que nous sommes dans un album de King Buffalo.
Comment décrire ce trio de l’État de New York? Il est toujours possible d’employer le vocable rock psychédélique, mais ce serait peut-être un peu court. Cela n’est certainement pas comparable, en tout cas, à des groupes des sixties comme Jefferson Airplane, ou d’autres formations du genre. Non, ici, on se concentre davantage sur le rock que sur le psychédélique, si l’on peut dire. Du moins, dans la définition plus « terrestre », plus « solide » du rock.

On a beau explorer Acheron, le plus récent album de la formation, en tant que néophyte, les signes ne mentent pas: d’abord, uniquement quatre pièces, certes, mais aucune ne dure moins de 9 min 25. Cela pourrait laisser entendre que la composition musicale est paresseuse, ou que les musiciens laissent traîner les notes, en quelque sorte, mais nous avons plutôt ici droit à une véritable construction instrumentale, qui s’appuie d’abord sur les percussions du batteur Scott Donaldson, puis sur la voix et Sean McVay, et enfin sur la guitare de ce dernier et les notes graves et profondes du bassiste Dan Reynolds.
Ensemble, les trois hommes donnent naissance à un univers musical découpé en quatre phases, quatre éons qui s’égrènent lentement, doucement, pour le plus grand plaisir des mélomanes. Les rythmes y sont quasiment langoureux – ce qui peut paraître paradoxal, pour du rock juste assez sale – et servent à la fois d’initiateurs et d’accompagnateurs dans ce voyage céleste.
Ensuite, autre preuve de la qualité du travail des membres du trio, on réussit à correctement doser mélodies harmonieuses et moments de grattements de cordes et de puissantes vibrations. Non pas qu’il ne soit pas agréable de se laisser envahir par un bon riff bien senti, mais comme dans bien des choses, trop en offrir pourrait gâcher le plaisir, en plus de risquer de faire disparaître les meilleurs moments de ces longs passages dans une mer d’accords et de ce qui pourrait finir par ressembler à du bruit.
Et voilà donc Acheron: un coup de maître pour un groupe qui n’en est pas à ses premières armes en la matière, et qui semble avoir réussi à affiner suffisamment son style et son expression musicale, histoire d’en tirer le maximum. Album plus que solide, album qui s’approche franchement de l’excellence, ce nouveau disque donne certainement envie de (re)plonger dans la discographie du groupe. À écouter, en montant le volume juste un petit peu trop fort…