Il est bien certain qu’on peut s’attendre à beaucoup de surenchère quand on en vient à un sujet comme la famille Gucci. Loin de nous l’idée, toutefois, de tomber face à face à autant de mauvais goût, comme c’est le cas dans la mégaproduction que nous livre Ridley Scott, sous la forme d’un vulgaire biopic taillé sur mesure pour les cérémonies de prix, ce, sans la moindre parcelle d’âme ou même de vision.
Les thèmes majeurs et importants ne manquent pas dans la saga des Gucci, tellement il y a de folie de grandeur et de revirements que même Shakespeare ne renierait pas. Pourtant, on les enterre dans un long-métrage interminable qui enchaîne les événements sans importance et sans mise en scène. Étant incapable de donner de l’ampleur aux péripéties ou même d’accorder un sentiment d’importance à l’un ou l’autre des personnages qu’il noie continuellement dans la caricature ou le désintérêt.
On le sait, Ridley Scott a bien de la misère à s’adapter à son époque et ses productions semblent sorties de plusieurs décennies dans le passé. À l’instar de son The Last Duel sorti il y a à peine quelques semaines, il récidive déjà avec un autre film qui aurait dû faire honneur à la langue d’origine de son histoire et de son emplacement, mais se contente de mettre en vedette des acteurs d’un peu n’importe où et de les affubler en général ou à outrance d’un terrible accent. On ne mentira pas, la première fois que Adam Driver s’exprime, on le croirait tout droit sorti d’un nouveau Borat.
Il faut néanmoins admettre que sa performance est l’une des plus neutres, si ce n’est sentie, de la bande. Entre un Jeremy Irons qui ne semble pas particulièrement heureux d’être là, un Al Pacino qui en fait encore des tonnes, une Salma Hayek et une Camille Cottin dont l’importance est complètement moindre, ainsi qu’une Lady Gaga qui à l’instar de Jared Leto (dont les prothèses sont tout simplement catastrophiques), en fait des tonnes pour se tailler un nouvel Oscar, Driver arrive à ses heures à demeurer notre point de référence, si on veut absolument trouver un personnage auquel s’identifier.
Sauf que la mission est pratiquement impossible, tellement l’intérêt manque dans cette histoire de pouvoir et de trahison, qui aurait dû être palpitante dans tous ses balbutiements.
Ainsi, les drames se déroulent sans qu’on en assimile véritablement la portée et, si ce n’est de quelques relations familiales particulièrement déchirantes, on arrive que bien peu à démontrer ne serait-ce qu’une simili-expression faciale démontrant une quelconque compassion.
Exit la collaboration dantesque que Scott réussissait atteindre avec Daniel Pemberton, alors que ce qu’il obtient de Harry Gregson-Williams est anonyme au possible. Son utilisation de l’opéra et des musiques de divers milieux n’a en rien l’audace de All the Money in the World, qui se montrait décidément un brin plus ambitieux dans sa réalisation, tout comme de l’utilisation du récit provenant d’une autre époque.
Ici, la motivation ne se trouve pas dans les recoins de l’œuvre, qui va dans la facilité du simple jukebox, exhibant une large sélection musicale rassembleuse et entraînante (pour la plupart simplement sous-utilisée) qui ne vient jamais apporter quoique ce soit aux propos qui s’y mêlent.
Peut-être qu’autant d’avenues auraient gagné à être développées avec plus d’attention dans un format plus long et télévisuel, mais ici, autant les relations avec Mauricio et Patrizia, Patrizia et Pina, Aldo et Paolo (crève-cœur, mais presque uniquement utilisé comme ressort humoristique) et on en passe, ne parviennent pas à faire valoir leur importance dans toute cette histoire.
Pire, si on effleure quand même les déboires majeurs dans ce qui a mené à la marque Gucci comme on la connaît aujourd’hui, on ne peut même pas assurer avec certitude qu’on en a tant appris que cela sur le sujet.
Il ne faut toutefois pas se leurrer, l’œuvre étant trop faite pour plaire avec facilité surtout avec un sujet aussi attirant, une distribution aussi tape-à-l’œil et des chansons aussi appréciées, il est certain que beaucoup y trouveront leur compte. Dommage, par contre, pour ceux un poil plus exigeant, qu’ils devront s’ennuyer au plus haut point devant cet exercice ultime de paresse.
3/10
House of Gucci est sorti en salles ce mercredi 24 novembre.