La thématique des jeunes trentenaires qui se cherche est assez récurrente et c’est cette avenue que l’humoriste Mariana Mazza a décidé d’emprunter pour Maria, le premier long-métrage où elle tient la vedette. Une curiosité loin d’être désagréable, qui malgré sa familiarité, évite de seulement être une prolongation de sa génitrice, à quelques défauts près.
Si l’on oublie l’introduction un peu aléatoire qui démontre toutefois d’emblée l’enthousiasme évident et impressionnant des nombreux cameo et collaborateurs, Maria réussit rapidement à se trouver un rythme qui longe et arbore allègrement les désirs cinématographiques qui brûlent à l’intérieur de l’humoriste depuis longtemps. Exit le film à sketchs, celle qui a proposé son premier DVD il y a un peu moins de un an sous une forme assez singulière, qui osait d’ailleurs l’appellation « film », saute finalement à pieds joints dans la fiction.
Elle a touché au septième art via quelques apparitions comme dans Bon cop, Bad cop 2 et De père en flic 2, mais ici, elle a coscénarisé le film en s’offrant la tête d’affiche, un rôle évidemment écrit sur mesure pour elle. En plus de Justine Philie à l’écriture, elle a également renoué avec le grand manitou Alec Pronovost à la réalisation, un nom qui n’est plus à présenter du côté des humoristes de la relève, lui qui ne calcule plus ses collaborations parmi lesquelles ont compte notamment Rosalie Vaillancourt et David Beaucage.
La prémisse est simple: à la mort imminente de sa mère avec qui elle vit, la jeune de moins en moins jeune qu’est Maria essaie de se trouver plus concrètement un sens à sa vie (l’aspect professionnel surtout) en se ramassant malgré elle sur la voie de l’enseignement.
Ce qui surprend le plus en fait, c’est la part belle que le long-métrage laisse à tous les personnages (principalement féminins) qui gravitent autour de la protagoniste, évitant d’en faire une simple excuse pour un nouveau one-woman show. Un choix judicieux puisqu’ils sont tous défendus avec un bel aplomb avec des visages qui ne sont pas nécessairement les plus connus, sauf peut-être Florence Longpré qui explose depuis plusieurs années déjà. On s’attache aux personnages de Isabel Dos Santos tout comme de Alice Pascual et on savoure beaucoup de répliques lancées avec une répartie rythmée avec beaucoup de justesse, le montage toujours judicieux de Charles Boisseau (qualifié directement au générique comme étant « le meilleur » ) aidant grandement.
Mieux, au-delà de rires assez francs (le gag du graffiti qui se lit « si j’aurais » est brillant, tout comme un autre impliquant un gâteau), les jeunes comédiens amènent aussi un grand sourire en bouche et l’authenticité du personnage principal donne envie de se laisser déambuler dans son univers. N’en déplaise à un manque d’un certain flair visuel qui mériterait un petit quelque chose pour détonner au regard et se joindre à la vision qui semble pourtant claire à ses créateurs.
Le problème c’est que sa deuxième partie, beaucoup plus précipitée, finit par tomber dans les pièges de son personnage. À l’instar des films de Louis Morissette, le projet finit par tournoyer autour de son héroïne et à lui laisser toujours le dernier mot et la rédemption, et ce même lorsqu’elle a tort. De fait, à beaucoup de niveaux et par des explications souvent très frontales, on se trouve avec une protagoniste plutôt toxique qui est qualifiée directement par ses proches comme étant « souvent difficile à aimer ».
Un film « trop » dramatique?
Ainsi, en forçant trop durement la part dramatique annoncée dès le début, on finit par délaisser tout le reste. Ce qui semblait être l’étude de divers microscopes aux personnages bien définis devient finalement qu’une liste à cocher sans résolution pour ne laisser se succéder qu’une panoplie de saynètes aux ressorts tantôt comiques tantôt dramatiques, mais pratiquement presque tous là dans le désir de faire rire histoire de rappeler qu’il s’agit bel et bien du film d’une humoriste.
Comme on parle d’école, on veut aborder la grossophobie et l’intimidation, parler de sexe aussi, comme on est moderne on veut parler de la dureté du milieu scolaire et du point de vue des adultes, et on ajoute à l’équation la parentalité, l’homosexualité au féminin et on en passe.
Il ne faut pas se mentir, Maria est un film actuel et plein de fraîcheur, malgré une ligne directrice assez prévisible, mais une fois que le ou les sujets ont été abordés, on ne prend plus la peine de les développer jusqu’à leur plein potentiel.
Ainsi, ce qui aurait pu être une variation à la québécoise de Bad Teacher ne l’est pas vraiment, puisque Maria a un grand cœur, croit au renforcement positif même si elle sacre beaucoup et un désir de rendre tout le monde heureux, n’en déplaise à son égoïsme, et ce qui aurait pu toucher à Entre les murs avec sa belle classe diversifiée est vite évacuée comme on ne revoit plus les étudiants après un moment. D’ailleurs, l’incursion plaquée de la soirée des parents apparaît comme étant beaucoup trop opportuniste et visant à susciter des rires faciles.
Face à une absence de continuité dans tout ce qui a été abordé, ce malgré le certain épilogue à mi-chemin du générique, tout comme d’une fin décidément trop abrupte, Maria finit par souffrir de son assurance qui nous a fait croire à sa grande volonté. D’un sentiment inabouti qui finit par faire douter si la route des grands écrans était celle recommandée au lieu d’un spécial sur une plateforme, questionnement qu’on avait également eu lors de la sortie limitée de Mon ami Walid.
On garde quand même espoir que le savoir-faire grandisse de projet en projet et on sera certainement au rendez-vous si un autre se pointe sur les grands écrans. Comme quoi on est confiants qu’apprendre est effectivement donné à tout le monde; suffit d’avoir la bonne motivation et celle-ci ne manque définitivement pas ici. Il faut seulement mieux se concentrer.
5/10
Maria est présentement à l’affiche en salles.