Que se passerait-il, si les femmes n’avaient plus le droit de parler? L’autrice Christina Dalcher propose, dans une version ici traduite en français et éditée chez Pocket, le roman Vox, une oeuvre dystopique où un gouvernement américain fondamentaliste impose aux femmes le port d’un bracelet limitant le nombre de mots qui peuvent être prononcés par jour.
Depuis l’élection du président Myers, tout a changé: les femmes n’ont plus le droit de travailler, plus le droit d’apprendre les mêmes matières que les garçons, plus le droit de posséder un compte en banque, un passeport… Et surtout, plus (vraiment) le droit de parler. Pour la Dre JeanMcClellan, spécialiste des neurosciences, ce retour à une sorte d’âge de pierre des droits de la femme est inacceptable. D’autant plus que sa petite fille apprend à grandir sans dire un mot, par crainte des décharges électriques que peut dispenser le bracelet que toutes doivent porter.
Devant un plan visant à étendre la portée de cette idéologie plus que rétrograde, cependant, elle se devra d’agir pour tenter de contrecarrer des plans diaboliques. Avec, l’espère-t-elle, l’aide de gens qui pensent comme elle, qui croient que, pour une fois, « c’était mieux avant ».
On ne se le cachera pas, la prémisse de Vox évoque immédiatement celle d’un livre beaucoup plus connu, soit La servante écarlate, de Margaret Atwood. Même situation où un mouvement chrétien fondamentaliste prend le pouvoir à Washington, même volonté de réduire les femmes à l’état d’esclaves domestiques. Dans les deux cas, l’égalité entre les sexes est vue comme quelque chose d’ignoble, d’impensable. Et dans les deux cas, il faut adhérer à une pureté religieuse, personnelle et sociale absolue. Pas de pitié pour les infidèles, pour les menteurs, les « déviants » – les homosexuels, les contestataires, etc. Ceux-ci sont expédiés dans des colonies pénitentiaires où ils se tueront à la tâche, quand ils ne sont pas purement abattus ou torturés à mort par les forces de l’ordre.
On se demande alors pourquoi on choisirait Vox plutôt que l’oeuvre de Mme Atwood – et ce sans même évoquer la série télévisée, dont les qualités ont depuis été rattrapées par les défauts. Et la réponse est quelque peu complexe. En fait, on ne peut pas vraiment: La servante écarlate est mieux écrite, mieux rythmée… Pourtant, Vox a quelque chose de différent, une sorte d’explication de la mise en place d’un appareil totalitaire, un genre de cadre qui donnerait une certaine justification à l’arrivée au pouvoir d’un despote fou de Dieu.
Mieux encore, le roman de Christina Dalcher n’est pas accompagné de la même signification visuelle qui finit pratiquement par plomber l’univers créé par Mme Atwood, univers qui a été souillé, en quelque sorte, par son adaptation à la télévision. Sans oublier la suite quelque peu inutile parue récemment. Bref, Vox saura intéresser les amateurs de dystopie, mais aussi les partisans des égalités sociales. Car lorsque l’on retire littéralement le droit de parole, on prend conscience, bien trop tardivement, qu’il est essentiel de l’exprimer.