Un virus qui tue une démocratie: c’est ainsi que les observateurs internationaux ont interprété la loi par laquelle, lundi la semaine dernière, le président hongrois, Viktor Orban, s’est donné à lui-même les pleins pouvoirs pour une période indéfinie, a fermé le Parlement et a suspendu les élections.
On ne s’étonne pas de voir des gouvernements, dans l’urgence, profiter d’une crise pour s’approprier des pouvoirs qui auraient été considérés impensables quelques semaines plus tôt —mise en quarantaine d’une ville, isolement obligatoire de certains citoyens, couvre-feu, etc. Mais un gouvernement autoritaire, comme celui d’Orban était connu, peut céder facilement à la tentation d’aller beaucoup plus loin. Ou céder à la tentation de ne pas céder les nouveaux pouvoirs, une fois l’urgence levée.
Un tour d’horizon des dernières semaines révèle à tout le moins des tentations d’étouffer la critique en plusieurs endroits: aux Philippines, les journalistes font désormais face à deux mois d’emprisonnement s’ils « répandent de fausses nouvelles » sur le virus; en Égypte, une journaliste du quotidien britannique The Guardian expulsée pour avoir rapporté que des experts en santé publique de l’Université de Toronto avaient conclu que le nombre réel de cas de coronavirus au pays était supérieur au nombre officiel; et au Brésil comme aux États-Unis, deux présidents qui ont plusieurs fois tenté de faire porter le blâme de la crise sur les médias.
Mais le geste d’Orban en a inquiété plusieurs en Europe, tant la ligne peut être mince entre un état d’urgence temporaire et permanent, entre un langage guerrier pour mobiliser une population contre une maladie, et un langage guerrier à des fins populistes. Le premier ministre israélien a associé à la mi-mars des mesures anti-coronavirus à des mesures anti-terrorisme, déclenchant des protestations populaires. En Grande-Bretagne, la « loi coronavirus » du premier ministre Boris Johnson donne des pouvoirs accrus aux autorités de l’immigration pour arrêter des gens soupçonnés d’être infectés par le coronavirus.
« Changer nos vies est maintenant inévitable », a justifié Viktor Orban la semaine dernière. « Tout le monde doit quitter sa zone de confort. Cette loi donne au gouvernement le pouvoir et les moyens de défendre la Hongrie. »