Il y a eu la première, en édition compacte. Voici maintenant la deuxième: Penguin Books propose, dans une imposante déclinaison forte d’un peu plus de 600 pages, le récit de la pire guerre de l’histoire de l’humanité, par les yeux du plus qu’excellent John Keegan.
Prosaïquement intitulée The Second World War, la brique raconte des événements connus, voire archiconnus. Qui n’a pas entendu parler, après tout, de l’invasion de l’URSS par l’Allemagne nazie, de la Bataille d’Angleterre, ou du bombardement atomique de Hiroshima et Nagasaki? Si la Première Guerre mondiale, à qui Keegan a également consacré un (fort intéressant) ouvrage, est peut-être plus obscure, non seulement en raison de ses causes plus floues, mais aussi du fait que ce conflit mondial n’a pas eu droit au même traitement médiatique que celui qu’il a provoqué et qui lui a succédé 21 ans plus tard seulement.
Keegan, dans son livre publié chez Penguin, ne remonte pas aussi loin qu’à la moitié du 19e siècle, comme c’était le cas pour son précédent titre, mais revient sur la période de l’entre-deux guerres, une époque relativement oubliée qui était tout sauf la grande paix promise à la fin des hostilités, en 1918. Il y a bien eu une reprise économique et la fin des combats aux États-Unis, en France et au Royaume-Uni, mais les autres belligérants ont largement dû affronter des transformations internes majeures qui ont préparé le terrain, en quelque sorte, à la conflagration de 1939-1945. D’ailleurs, la Deuxième Guerre mondiale a-t-elle vraiment commencé en 1939? Ne faut-il pas plutôt inclure l’invasion de la Chine par le Japon, quelques années plus tôt?
Quoi qu’il en soit, avec la guerre civile en Russie, les affrontements dans les Balkans, le lent effondrement de la République de Weimar et la montée du nazisme en Allemagne, la révolution fasciste en Italie et la Guerre civile espagnole, qui servit de terrain d’entraînement aux forces communistes et fascistes, la planète était déjà une poudrière avant même que l’armée allemande s’élance en direction de Danzig, le 1er septembre 1939.
Tout cela, Keegan l’explique de main de maître. Mais l’intérêt principal, bien sûr, c’est la description de la guerre elle-même, d’abord présentée sur le front de l’ouest, puis avec l’opération Barberousse, la guerre dans le Pacifique, puis la lente reconquête, que ce soit contre les Japonais, contre les Allemands à l’Est, ou encore sur les plages de Normandie, en direction de Berlin.
La guerre est connue, tel que mentionné précédemment, et l’attrait de la chose réside du côté de la façon de présenter ce monstre historique et guerrier. Faut-il passer 10, 20, 50, 100 pages sur la Bataille d’Angleterre? Ou sur l’invasion de la Yougoslavie? Qu’en est-il des considérations liées à l’équipement, au ravitaillement, bref à tout l’aspect économique d’une guerre qui fut aussi un affrontement industriel? L’auteur maîtrise son sujet sur le bout des ongles, et c’est cette aisance qui fait en sorte que le lecteur se sent à l’aise. Bien sûr, 600 pages bien tassées sur la Deuxième Guerre mondiale, cela peut paraître rébarbatif. Et si les ouvrages de référence sur ce conflit, encore une fois, se comptent par centaines, le travail de Jonh Keegan peut aisément prétendre au titre de référence pour de nombreux autres précis, traités et encyclopédies.
On n’ira pas jusqu’à dire qu’il faut lire Keegan « pour se changer les idées »: après tout la Deuxième Guerre mondiale n’est certainement pas un sujet « relaxant ». Mais The Second World War permet certainement de saisir, en un nombre relativement limité de pages, l’ampleur et la complexité titanesques de cette boucherie dont la planète ne s’est toujours pas remise.