Dans le cadre d’une édition plus ou moins discrète, une première mondiale non-négligeable a eu lieu cette année au Festival international de films Fantasia et disons que Ready or Not, sans rien réinventer, a certainement su faire lever la foule qui s’était réunie en grand nombre pour cette projection présentée à guichets fermés.
La prémisse est délirante et, malgré une introduction plus ou moins convenue, le film ne perd pas beaucoup de temps avant de rentrer dans le feu de l’action et de multiplier les revirements efficaces et engageants. Après tout, le monteur Terel Gibson qui a participé à des projets recommandables, tels Sorry to Bother You et The Kings of Summer, se retrouve avec une proposition vive et rapide qui ne laisse que bien peu de temps morts au-delà des 95 minutes rondement menés du long-métrage.
Il faut dire que cette folie d’une riche famille qui en vient à se faire compétition afin de tuer la nouvelle épouse d’un des héritiers dans un jeu sanglant et certainement inhabituel de cache-cache a inévitablement de quoi piquer la curiosité. De fait, l’excentricité généralisée exécuté avec une forte aisance et assurance par le collectif Radio Silence aide beaucoup. Après tout, les réalisateurs Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett proposent de loin leur projet le plus convaincant à ce jour, donnant beaucoup de tonus à cette production modeste distribuée de manière étonnante par Fox Searchlight, qui est davantage habituée à des films plus dramatiques et conventionnels, quoiqu’appartenant toujours à des visions d’auteurs concises.
Dommage, alors que le scénario de Guy Busick et Ryan Murphy ne soit pas affublé de la même intuition. Si peu de choses sont laissées au hasard, le film devient davantage une affaire d’acteurs, puisque sa distribution se dévoue à cœur joie dans le chaos mis en place, et d’effets, puisque plus les explications se matérialisent et plus le film perd de son efficacité. Il y a ainsi un aspect satanique dont on se serait passé, n’en déplaise au lien évident face aux productions précédentes des cinéastes.
Certes, on ne construit pas nécessairement le tout sur de grandes révélations, misant davantage sur la spontanéité, la violence et les morts, sans nécessairement s’en prendre au principe du slasher habituel, mais les motifs sont certainement moins intéressants que les moyens qui sont utilisés pour y parvenir. Il y a bien les compositions rythmés du reconnu Brian Tyler, habitué à de grandes franchises d’action comme des Marvel ou des Fast and Furious, entre autres choses, mais l’ambiance généralisée se contente de faire le travail sans prendre la peine de construire quelque chose de précis ou de suivre la voie, par exemple, d’un certain Ari Aster, qui a bien compris que le point A et le point B ne sont pas nécessairement le plus important face à tout ce qui peut se passer entre les deux.
C’est là alors que le film déçoit. Celui qui aurait pu se la jouer meta ou tout simplement s’amuser de manière infinie comme un certain The Cabin in the Woods, ne semble pas avoir autant d’ambition qu’on lui attribuait. La facilité l’emporte régulièrement et, outre devenir un plaisir coupable à réécouter ici et là, on ne s’attend pas à ce que le film devienne culte ou un classique d’une manière ou d’une autre.
Il y a aussi une ironie flagrante qui prend forme. Celle qu’une bande d’adeptes de cinémas caucasiens ont regardés l’inventif Get Out de Jordan Peele en se disant que les Blancs devraient aussi avoir droit à ce genre de film. La ressemblance devient après tout évidente dans ce scénario où il est littéralement question d’affronter sa belle-famille. Le hic c’est que l’ingéniosité de Peele venait justement de sa manière d’adapter à un foklore et une ethnicité singulière un genre et un sujet auquel on ne s’attarde que bien peu. Et le fait d’y mélanger une touche de Kill Bill pour l’aspect féministe qui vole bien dans l’air du temps n’aide certainement pas à élever la nécessité de la production.
L’efficacité néanmoins demeure. L’ensemble est de belle tenure, l’esthétique constamment soigné (notamment via le manoir et les costumes), la tension est souvent habile et l’humour fréquent. Il y a également toute une séquence dans une grange qui force rapidement l’appréciation, tout comme un running gag avec les domestiques qui fait certainement mouche.
Également, la distribution aide beaucoup. Oui, Adam Brody est toujours d’une immense efficacité à jouer les cool mollassons alors qu’il est vicieusement agréable de voir Andie Macdowell dans un rôle inusité, ironiquement plus sanglant et tordu que celui que sa fille s’est vu confiée dans le dernier Tarantino, alors que Nicky Guadagni vole régulièrement la vedette, souvent seulement à l’aide d’un regard.
Par contre, le film demeure d’abord et avant tout celui de Samara Weaving, oui-oui, la nièce de Hugo. Avec une férocité à toute épreuve qui n’est certainement pas sans rappeler l’énergie de Uma Thurman, elle incarne avec une assurance et un grand panache Grace, en apportant beaucoup de relief à cette blonde qui est certainement déterminée et loin d’être une simple nunuche ou une croqueuse de diamants. Jamais sans ressource et retombant toujours sur ses pattes, elle est loin d’être une victime et c’est sa vitalité qui apporte une différence dans ce jeu des chats et de la souris qui se retourne souvent contre ses instigateurs.
Ready or Not aurait donc pu changer bien des choses et s’imposer allègrement en donnant tout une claque à bon nombre de genres, tout en offrant des réflexions plus approfondies sur maints sujets (de l’héritage à la descendance, en passant par le couple, la famille et on en passe). S’il ne fait rien de tout cela, en se contentant de viser ses cibles avec une justesse non-négligeable, on soulignera son côté ludique, en regrettant qu’il n’aie pas également osé une profondeur un peu plus intellectuelle et réfléchie.
7/10
Ready or Not prendra l’affiche en salles le 23 août prochain.