La société est discriminatoire envers les personnes grosses, non seulement ce qui concerne leur précarité économique, ou encore leurs chances de décrocher un emploi, par exemple, mais elle semble carrément conspirer pour nuire à leur existence même. Publié chez Somme Toute, l’essai La vie en gros – Regard sur la société et le poids, écrit par Mickaël Bergeron, constitue un rappel essentiel de cette discrimination qui n’a pas lieu d’être.
Impossible, d’abord, de ne pas aborder la lecture de cet essai selon un point de vue personnel. Parce que ce journaliste, en raison d’une série de facteurs génétiques (et pour d’autres raisons), a tendance à accumuler un peu plus de poids que la moyenne des ours. Parce qu’il a été la cible de moqueries tout au long de son enfance en raison de son poids. Parce qu’il a lui aussi proféré des insultes et prononcé des commentaires désobligeants à l’intention de personnes grosses. Et parce qu’à l’instar de millions d’autres personnes, il est souvent gêné par son apparence, son poids et la façon dont ses vêtements le font parfois ressembler à une poche de patates. La dernière affirmation est sans doute fausse, mais l’impression et toujours là, tapie quelque part dans le cerveau, prête à bondir à la première occasion. Bref, sans même avoir ouvert l’essai, les émotions se bousculent.
Elles se télescopent d’ailleurs aussi une fois que l’on a tourné la page de garde: en près d’une centaine de courts chapitres, à l’image de réflexions jetées ici et là, Mickaël Bergeron trace le portrait d’un véritable société, mais toujours selon son point de vue personnel.
Au fil des pages, ont en apprend davantage sur ses déboires, ses problèmes de santé mentale, les facteurs familiaux qui ont joué sur la personne qu’il est aujourd’hui, les revers personnels et économiques subis pratiquement toute sa vie… La vie en gros est le témoignage d’un homme malheureux. Malheureux, oui, mais pas rancunier ou aigri. On le serait pourtant à moins! Statistiques à l’appui, Bergeron nous jette en plein visage notre hypocrisie, notre méchanceté ordinaire, nos préjugés.
De l’alimentation à la mode, en passant par le modèle économique dans son ensemble, il est essentiel de transformer notre façon de faire et d’agir pour faire cesser cet apartheid pondéral. Mais puisqu’il est plus facile – et surtout plus rentable! – de faire pression sur les hommes et les femmes (surtout les femmes) pour qu’ils dépensent sans compter, histoire de correspondre aux codes de la séduction et de la mode, tout en ensevelissant les pays occidentaux sous une montagne d’aliments transformés débordant de sucre subventionné par les gouvernements à la solde des puissants lobbys agricoles, force est d’admettre que le chemin vers l’acceptation sera ardu.
En attendant, La vie en gros est une pierre de plus à ajouter à l’édifice de la transformation sociétale. Un livre percutant qui brasse heureusement les colonnes du temple.
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