Le Musée des beaux-arts de Montréal présente, jusqu’à la fin mai, une exposition particulière: du dessin et des toiles de nu, certes, mais – surtout! – des nus réalisés ici, au fil des courants artistiques, en bravant bien souvent la censure et les idées conservatrices des différentes époques.
Intitulée Le modèle dans l’atelier, Montréal 1880-1950, l’exposition est quelque peu ironiquement installée au deuxième sous-sol de l’institution de la rue Sherbrooke. Certainement pas parce que le sujet fait scandale, mais surtout parce que les oeuvres de cette période sont non seulement peu nombreuses, mais qu’elles sont aussi fort convoitées. Qu’à cela ne tienne, le petit espace installé un peu en retrait convient tout à fait au thème de l’exposition: pour apprécier toute la beauté des sujets, mais aussi toutes les influences qui s’entrechoquent au fil des décennies, rien ne vaut le calme et la contemplation.
Des oeuvres plus classiques à l’émergence du féminisme et de la femme libérée – libérée à un point tel, en fait, qu’elle fera scandale en se représentant sous la forme de personnes affirmées, parfois provocantes, en plein contrôle de leur corps et de l’image qu’elles en projettent –, l’exposition présente également quelques nus masculins, entre autres preuves que le sexisme s’étendait également aux cours de dessin: au siècle dernier et au 19e siècle, les femmes n’avaient ainsi pas accès à des modèles nus, qu’ils soient masculins ou féminins, alors que les hommes, eux, n’avaient jamais été soumis à ces restrictions.
Et puisque ces oeuvres ont été produites à Montréal ou par des artistes montréalais, le courant conservateur qui s’accrocha jusqu’à la Révolution tranquille laisse ses traces indélébiles, entre autres sous la forme de représentations partiellement ou entièrement censurées dans les catalogues et les recensions qui étaient à l’époque souvent publiés sous supervision de l’Église.
D’ailleurs, si les oeuvres et leurs affichettes explicatives représentent déjà une source plus qu’intéressante d’information sur les courants artistiques de cette période, il est fortement recommandé d’assister à la visite de l’exposition en compagnie du commissaire Jacques Des Rochers, le 27 mars. M. Des Rochers, conservateur de l’art québécois et canadien avant 1945, s’en est vraisemblablement donné à coeur joie en sélectionnant les oeuvres exposées. Passionné par cette période, le commissaire en avait très long à dire lors de la visite de presse, en début de semaine, pour le plus grand plaisir des journalistes.
Exposition discrète mais essentielle, Le modèle dans l’atelier, Montréal 1880-1950 est également la seule occasion d’admirer ces oeuvres avant plusieurs années: comme l’a indiqué M. Des Rochers, la fragilité du dessin force le musée à ne pas exposer les oeuvres pendant plus de trois mois à tous les cinq ans.
À voir, donc!