Adapter une oeuvre à succès au petit ou au grand écran est toujours synonyme de danger. Après tout, qui n’a jamais craint que les versions cinématographiques d’Harry Potter, Le Seigneur des Anneaux et tant d’autres univers particulièrement populaires soient au mieux passables, ou au pire, complètement ratées? Heureusement, en transposant l’excellente saga de science-fiction The Expanse, SyFy a relevé le défi avec brio.
Dans un futur pas si lointain, l’humanité a colonisé la Lune, Mars, ainsi que quantité de planétoïdes, astéroïdes et autres lunes extérieures. Face aux deux superpuissances à couteaux tirés que sont la Terre et Mars, les habitants de la Ceinture tentent de survivre dans des conditions particulièrement difficiles, entre une vie d’esclavage et une soif rageuse de liberté.
Pour SyFy, le défi était colossal; après tout, la saga créée par le duo formant « l’auteur » James S.A. Corey est non seulement vaste, mais impliquait forcément soit de disposer de budgets colossaux destinés aux effets spéciaux, soit de jouer d’astuce pour tourner quelques coins ronds et ainsi éviter la banqueroute. SyFy n’est certainement pas HBO, et même la célèbre chaîne câblée américaine a dû réduire ses ambitions pour adapter Game of Thrones. Malgré tout, une saison de dragons, de navires et de zombies glacés coûte, bon an mal an, 200 ou 300 millions de dollars. Comment représenter plusieurs planètes et des combats spatiaux, dans ces conditions?
Heureusement pour SyFy, The Expanse, qualifié de Game of Thrones dans l’espace – l’un des deux auteurs est scripteur sur cette deuxième série –, tourne majoritairement autour des dialogues et des scènes d’action se déroulant pratiquement dans un contexte de confinement. L’espace est gigantesque, mais pas les vaisseaux qui s’y aventurent. Résultat: on tourne souvent dans les mêmes décors, surtout celui du Rocinante, la corvette martienne servant de demeure au héros James Holden et à son équipe.
Moyens limités
Les points soulevés lors du visionnement du tout premier épisode, en 2015, sont toujours valides: les scénaristes ont rapidement abandonné l’idée de présenter des habitants de la Ceinture démesurément grands en raison de la faible gravité régnant sur les stations. Il est tout simplement impossible de trouver un florilège d’acteurs de plus de deux mètres.
Pour le reste, les moyens limités ont forcé les accessoiristes et les concepteurs des décors à nous offrir un Rocinante semblant se contrôler par iPad, plutôt qu’avec l’instrumentation que l’on mentionne dans les livres. Idem pour cet éclairage bleu foncé utilisé à répétition pour changer « l’atmosphère ».
Les acteurs principaux, eux aussi, peinent non seulement à se distinguer les uns des autres – on les dirait tous sortis du même moule –, mais les concepteurs de la série semblent avoir volontairement rajeuni l’équipage du Rocinante, ainsi que Bobbie, la Marine martienne. Difficile de prendre cette dernière au sérieux lorsqu’elle semble avoir à peine plus de 20 ans.
On pourrait ergoter longtemps sur tout ce qui semble clocher. Force est d’admettre, toutefois, qu’en vertu de l’ampleur de la tâche à accomplir, les trois premières saisons de The Expanse sont franchement excellentes, et on voit mal comment il aurait été possible de faire mieux. Oui, certains détails des livres sont changés. Oui, on se dit parfois que les scénaristes prennent un peu trop de libertés avec le matériel original. Mais à l’image de Game of Thrones, The Expanse en version télévisée vient compléter l’oeuvre littéraire, plutôt que la remplacer. Les puristes auront raison de lire les livres – ceux-ci méritent leur place dans la liste des très bonnes oeuvres de science-fiction –, mais les télévores pourront se réjouir du fait qu’après trois saisons (et environ trois livres adaptés sur sept, bientôt huit ouvrages), c’est Amazon et son studio télé qui ont repris le flambeau.
À voir, donc, après (ou avant) la lecture de l’oeuvre de James S.A. Corey.
2 commentaires
Pingback: Des histoires inventées – André Forcier plonge en apnée dans notre subconscient
Pingback: La beauté éthérée d’Impetus