Il est de ces jours où il aurait mieux valu rester couché, et c’est sans doute ce que se dit Thibault Contine, l’improbable héros de la bande dessinée Bouts d’ficelles signée Olivier Pont.
Distrait par le regard d’une jolie demoiselle, Thibault Contine, un homme timide et maladroit, fonce dans une femme chargée de sacs de litière en sortant du métro. Il propose de lui donner un coup de main pour s’excuser, mais est loin de se douter que ce simple geste amical sera le début d’une véritable nuit d’enfer, au cours de laquelle, de fil en aiguille, il sera confronté à un cadavre, à un braqueur de banques surnommé l’Épouvantail, à des voleurs de voitures, ou aux sosies de Beyonce et de Scarlett Johansson, et le pauvre Thibault, qui souhaite seulement rentrer chez lui peinard et regarder la télé en bouffant des chips, se retrouvera à fuir pour sa vie à travers les égouts et les toits de Paris avec à la fois les forces de l’ordre et un dangereux groupe de tueurs aux trousses.
Le bédéiste Olivier Pont a emprunté une démarche assez inusitée pour Bouts d’ficelles. Avec pour seule contrainte d’incorporer, très librement, la célèbre comptine « Trois petits chats », il a commencé à dessiner les premières cases de l’album sans savoir exactement où le récit le mènerait, et s’est laissé guider spontanément par l’histoire elle-même. Le résultat de ce cadavre exquis réalisé en solo évoque à une version parisienne du cultissime film After Hours de Martin Scorsese, et bien qu’il répète inlassablement, comme un mantra, « Euh, ben moi, je vais y aller, je pense… », l’infortuné Thibault se retrouvera dans des situations de plus en plus rocambolesques et inextricables, pour notre plus grand plaisir.
Rempli de fusillades et de poursuites, en voitures ou à pied, Bouts d’ficelles est perpétuellement en mouvement, et la bande dessinée ne se concentre jamais sur une action pendant plus de deux ou trois pages, avant de passer à une autre. Trop intenses pour être contenus dans un phylactère, les dialogues sont parfois rognés par les limites de la bulle, ce qui crée une belle urgence visuelle. Au lieu d’enlever les crayonnages de l’artiste une fois l’encrage des contours effectué, on les a conservés, ce qui donne une texture beaucoup plus organique aux illustrations, et le travail remarquable de la coloriste Laurence Croix met vraiment en valeur les dessins d’Olivier Pont.
Rarement l’expression « Tomber de Charybde en Scylla » n’aura été aussi appropriée que pour décrire les mésaventures du héros de Bouts d’ficelles, et à partir d’une simple comptine, Olivier Pont transforme ce qui n’aurait pu être qu’un simple exercice de style en conte urbain absolument délirant, et loufoque.
Bouts d’ficelles de Olivier Pont. Publié aux Éditions Dargaud, 128 pages.
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