L’héritage des espions, voilà le titre du plus récent roman d’espionnage d’un des grands maîtres en la matière: John le Carré. Paru en avril dernier chez Seuil, pour la traduction française, cet énième opus de l’ancien employé des Services de renseignement britanniques est tout en nuances. Sans présenter la forme d’un suspense qui nous interdit d’aller dormir avant d’avoir tout lu, le roman captive et, surtout, nous fait appréhender la vraie nature des personnages.
Le contexte est nouveau. La guerre froide est terminée depuis longtemps et les descendants de citoyens victimes des violences de la raison d’État, qu’ils aient fait partie de l’appareil du Cirque ou qu’ils se soient trouvés au mauvais endroit au mauvais moment, demandent justice. Les services de renseignement sont donc poursuivis et tentent de faire porter le chapeau à d’anciens agents, pas des plus importants. C’est ce qui arrive à Peter Guillam, un ancien protégé du désormais célèbre George Smiley.
Formé à résister aux interrogatoires de l’ennemi, c’est à ses « amis » que Peter est opposé et c’est un peu la trame de fond de toute l’histoire et de plusieurs des histoires de le Carré. En effet, l’auteur excelle dans la façon de nous raconter les luttes intestines entre les différentes branches du renseignement. Opérations clandestines, maisons sécuritaires, recrutement de « Joes », tout y passe et on n’oublie pas l’essentiel, la faiblesse de tout agent: les émotions.
John le Carré n’a pas son pareil pour nous mettre dans la peau de l’officier de renseignement qui, après être tombé amoureux, bâti peu à peu une nouvelle couche de mensonges, par-dessus toutes celles qui sont inhérentes à son travail, pour permettre à une relation naissante de s’enraciner, quitte à se mettre en danger lui-même, ainsi que la personne aimée.
Avec son sens de l’ironie et de la bravade, l’auteur nous gâte une fois de plus. C’est à lire, même si on ne connaît pas déjà le bon vieux George.