Marc-André Lavoie persiste et signe avec Innocent, et poursuit son inévitable descente de la pente de la notoriété en livrant un film québécois qu’on a envie d’oublier à mesure qu’il se déroule sous nos yeux.
Dans un élan de surprise, le cinéma québécois a vu apparaître le rafraîchissant Bluff il y a déjà une décennie. Une œuvre amusante et surtout épatante de débrouillardise de la part de Simon-Olivier Fecteau et Marc-André Lavoie. Si la carrière de l’un ne cesse de multiplier les bons coups, celle de l’autre, n’en déplaise au soutien d’un nombre épatant d’alliés, accumule les échecs autant critiques que publics et sa plus récente offrande, Innocent, ne fait pas exception.
Il devient alors plutôt pathétique de voir le cinéaste poursuivre sa lancée en rejouant les éléments de la première heure au lieu de réinventer sa recette. Se jouant d’une variation sur le film choral, il abuse à nouveau d’une distribution de prestige comptant notamment cette fois Pascale Bussières, Réal Bossé, Sandrine Bisson, Dorothée Berryman et bien sûr Emmanuel Bilodeau dans le rôle-titre, pour y laisser s’entrecroiser plusieurs histoires plus ou moins reliées.
Nous refaisant le coup d’une histoire concernant un billet de loterie (vraiment?), il joue cette fois sur la temporalité en alternant plusieurs histoires du passé d’un protagoniste naïf dans le but de nous pousser à comprendre pourquoi il se serait retrouvé en prison et, aussi, s’il en est le responsable ou la victime d’une série de malentendus.
S’il apparaît flagrant que l’une des inspirations premières demeure le cinéma d’Alejandro Gonzalez Innarritu, il n’est certainement pas évident de pasticher un maître, même si on essaie de se garder plusieurs réflexions sociales (on mord très peu à l’hameçon s’intéressant à l’importance des apparences, n’est pas Gillian Flynn et David Fincher qui veut non plus.), des surprises dans les révélations et même une touche de batterie dans la trame sonore qui fait penser à Birdman or (the unexpected virtue of ignorance).
Aussi pénible à regarder que le fade et tristement célèbre (pour les mauvaises raisons) Hot Dog du même auteur, soit, le Les Dangereux de la dernière décennie, et à peine plus recommandable que l’ennuyant Y’en aura pas de facile, également du même créateur, le défi reste à voir combien de temps on parviendra à garder les yeux ouverts et notre intérêt rivé sur le long-métrage tellement aucune des histoires adjacentes n’arrivera à pleinement capter notre attention.
Pour ceux qui arriveront à rester assez longtemps, ce sera encore pire lorsqu’on laissera la place aux révélations finales, complètement incongrues et abracadabrantes, un peu comme dans le Radin! avec Dany Boon, continuant de se laisser s’interroger sur le genre dans lequel classer le film. Décrit, annoncé et se croyant pour une comédie, on rit très peu malgré quelques répliques habilement lancées, tellement l’humour noir ne fonctionne pas tellement les situations sont à connotations fortement dramatiques.
Toutefois, on serait porté de vous pousser à vous rendre au moins jusqu’au générique final qui ose du jamais vu, un espèce de slam incompréhensible qui brise le quatrième mur, tout en scandant tout le générique, même si celui-ci va finir par défiler quelques minutes plus tard. Il faut avouer que d’être dans son salon et de voir un comédien remercier tous ceux « dans la salle » qui se sont déplacés, est une expérience qui n’a certainement pas d’équivalent.
Face à une époque où l’accessibilité à notre cinéma se fait de plus en plus rare et de plus en plus difficile alors que la majorité disparaît lentement sur les plateformes sur demande avant de sombrer dans l’oubli, et qu’un distributeur comme Les Films Séville noie la majorité de ses productions comme Les Affamés, on se désole face à l’incompréhension de voir une œuvre aussi médiocre que Innocent avoir droit à la fois au traitement DVD, mais également blu-ray (même Le trip à trois n’a pas eu droit à ce format), tout en étant la première production québécoise à être disponible en 4K sur ITunes et Illico.
Face à la richesse de notre cinéma, qu’on aime se rappeler ici et là même s’il tarde souvent beaucoup pour nous le rappeler (Stéphane Lafleur, comptes-tu revenir nous charmer bientôt?), on reste alors aussi frustrés qu’ébahis devant tant d’insipidité et, allons-y avec le jeu de mots, devant tant d’innocence, dans le sens le plus péjoratif du terme.
3/10
Innocent est disponible en DVD et Blu-Ray depuis le mardi 15 mai.
En complément:
Anon, là où les acteurs auraient peut-être préféré demeurer anonymes