Nul doute que All the Money in the World passera à l’histoire pour la controverse qui l’entoure. Dommage, toutefois, qu’on continuera de parler encore et encore d’un film qui ne mérite décidément pas autant d’attention.
On le sait, la carrière de Ridley Scott bat de l’aile depuis des années. Et si The Martian a bien ravivé beaucoup d’espoirs, la médiocrité de son Alien: Covenant sorti plus tôt cette année, n’a pas perdu une seconde pour nous rappeler pourquoi le nom du cinéaste ne veut presque plus rien dire. N’en déplaise à tout ce qu’il a chamboulé et révolutionné au cinéma, il y a des décennies déjà, avec les Blade Runner et compagnie.
Après son retour à la science-fiction, son genre de prédilection, Scott revient au film d’époque et aux histoires de magouille en s’intéressant cette fois au milliardaire J. Paul Getty, et plus précisément à l’enlèvement de son petit-fils en Italie en 1973.
Avec cette production léchée à la reconstitution d’époque soignée, impossible de ne pas se laisser impressionner par la technique de l’ensemble. Des décors, aux costumes, en passant par la direction photo plutôt sombre mais élégante de son fidèle collaborateur Dariuz Wolski – lui qui l’a épaulé dans toutes ses plus récentes productions – notre regard en a pour son argent.
Scott renoue également avec le brillant compositeur Daniel Pemberton qui, sans offrir quelque chose d’aussi surprenant que son travail sur The Counselor, du même réalisateur, continue de jouer son épatante carte éclectique avec une trame sonore qui va à nouveau dans tous les sens pour notre plus grand plaisir et celui de nos oreilles.
Qu’est-ce qui cloche alors dans cette histoire qui ne manque pas de matière intéressante et encore moins de revirements qui valent leur pesant d’or? Le traitement scénaristique, certainement. Probablement parce que David Scarpa n’a rien fait de majeur depuis son The Last Castle, mais aussi parce que ce dernier se prend diablement au sérieux en faisant un usage aux limites médiocre d’un humour facile ne tirant jamais profit des plus grandes sources humoristiques de la saga (elle en est pourtant complètement remplie) ni des plus belles surprises de ses avancées. De plus, on priorise un ton sombre qui tente d’imbriquer autant une notion de Robin des bois que de David versus Goliath à l’ensemble.
Mark Wahlberg étonne
On mise ainsi ad nauseam sur le pendant dramatique du récit en essayant de nous faire croire à la force de résistance d’une pauvre mère. À mille lieux de l’efficacité du Changeling de Clint Eastwood, qui devait beaucoup au talent de Angelina Jolie, on épuise rapidement le spectateur qui voit son attention clairement mise à l’épreuve au fur et à mesure que les interminables 132 minutes du long-métrage nous gardent captifs, à l’instar du sujet du film.
C’est d’autant plus dommage de ne pas voir les rôles défendus à leur meilleur. Oui, Christopher Plummer est certainement excellent. En plus, avoir pris le contrôle du rôle en moins de quelques semaines relève de l’exploit le plus épatant, mais il est impossible de ne pas avouer que son ajout de dernière minute ne paraît pas. Les trucages et les effets spéciaux, malgré tous les millions dépensés, ne sont par moment pas mieux que les manières dont Disney s’y sont pris pour faire renaître des personnages défunts dans les récents films de l’univers Star Wars.
Il y a aussi la présence de Michelle Williams qui, malgré sa dévotion, ne parvient certainement pas à donner toute la nuance et la force de résilience de son personnage, croulant trop aisément sous les injustices, sans nous donner envie de se battre pour elle ou encore avec elle.
Elle souffre également du jeu des comparaisons alors qu’on aurait certainement vu une autre actrice défendre son rôle comme une certaine Rachel McAdams, par exemple, à qui elle fait d’ailleurs penser tout du long.
Étonnamment, si la présence de Mark Wahlberg faisait craindre le pire, il est de loin celui qui s’en tire le mieux, profitant grandement de son aisance naturelle pour rendre son rôle plausible. Ce, pendant que Romain Duris fait des pieds et des mains pour nous faire croire en son faux accent italien, lui qui se débrouille tout de même mieux que Jean Dujardin, et même si on se réjouit secrètement de le voir retrouver un type de rôle beaucoup plus près de celui dans Exils de Tony Gatlif que de toutes les autres productions populaires qu’il a multipliées ces dernières années.
C’est donc une erreur que de reléguer le personnage de Getty au second plan, lui qui fascine tout du long par son égoïsme, par sa grandeur, et par tous les gestes qu’il est prêt à entreprendre pour conserver et faire grandir sa richesse. De quoi penser rapidement à l’inévitable Citizen Kane de Orson Welles à qui l’on semble visiblement faire le plus ridicule des clins d’œil vers la fin du film ici présent.
En voulant être rassembleur et en se rangeant du côté de ceux dans le besoin, voire même de la femme dans le besoin pour être véritablement un film de son temps et suivre le paresseux courant prétendument féministe, au lieu de remettre toute la moralité du monde en jeu par le biais d’un véritable questionnement humain, le film s’empêche d’aller au-delà de ses idées. Pourtant, même l’ordinaire, mais captivant The Founder avait compris l’audace du concept cherchant à utiliser le salopard en guise de protagoniste pour mettre en inconfort le spectateur, ce que All the Money in the World se contente de ne faire jamais trop longtemps avec des convenances et des moments graphiques qui font grincer des dents.
Ne reste plus donc qu’une production acceptable qui abuse de notre bon vouloir, et qui se laisse oublier assez rapidement, se montrant être trop peu pour ce qu’il prétendait être prêt à nous offrir, suivant ironiquement la mentalité Getty.
6/10
All the Money in the World prenait l’affiche en salles le 25 décembre.
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