Le savoir-faire et l’audace sont dans chaque recoin de The Endless, nouveau projet fou d’un duo d’enfer composé de Justin Benson et Aaron Moorhead, cinéastes, acteurs et scénariste, monteur et directeur photo, tout dépendant les capacités de chacun. Dommage toutefois qu’ils se font rapidement engloutir par leurs propres ambitions dans un film qui finit par tourner quelque peu à vide avant de devenir tristement trop familier.
Il n’y a pas à dire, Benson et Moorhead sont, comme plusieurs autres confrères du septième art, en train de devenir maîtres de la synecdoque cinématographique en s’appropriant une idée pour lui conférer une réflexion plus grande que l’étendue de son propre terme. Après l’impressionnant Spring qui utilisait le monstre comme métaphore de l’amour, les voilà qu’ils utilisent l’infini comme réflexion sur la routine, le quotidien et ce qui s’ensuit.
On y raconte l’histoire de deux frères, échappés d’une secte il y a longtemps, qui décident d’y retourner suite à une vidéo étrange qui appelait à un suicide de masse. Ce qui ne devrait être qu’une seule nuit deviendra bientôt une nouvelle quête spirituelle alors que leur foi sera à nouveau testée face aux étranges événements dont ils seront témoins durant leur séjour.
La prémisse est originale et, si l’humour se retrouve dans plusieurs recoins, la gravité l’emporte rapidement dans cette méditation aux abords nihilistes de la vie, son sens, et la véritable façon de l’aborder jour après jour. À nouveau, avec une certaine tendance pour l’horreur bricolée, les deux complices chatouillent de nombreux genres sur leur passage comme le suspense, le drame fraternel et la science-fiction.
Et si les performances sont pour la plupart très convaincantes et mystérieuses, c’est l’élégance du tout qui l’emporte généralement. Bien sûr, il y a des plans de drone qui font grincer des dents (c’est la nouvelle tendance et on a hâte qu’on arrête de nous faire penser qu’on ne s’en rendra pas compte, parlez-en à Émile Gaudreault et son De père en flic 2), mais généralement, les effets spéciaux sont assez bien foutus et n’ont pas à pâlir face aux mégaproductions plus luxueuses.
Toutefois, plus le film avance et plus il devient prévisible et fonçant vers un espoir qui ne délaisse pas une once de mystère et d’interprétations libres pour l’ensemble. La fin a un petit je ne sais quoi qui évoque The World’s End, la complicité des deux créateurs miroitant un peu celle des Wright, Pegg et Frost, sans avoir nécessairement la même expérience. Il y a quand même beaucoup d’explications pour lier les nombreux éléments et les diverses pistes, histoire de ne pas trop cafouiller avec l’esprit du spectateur. De quoi rappeler Zal Batmanglij, mais avec une portée moins éloquente, s’avérant moins immense que son plus convenu The East et certainement moins expérimental que son brillant Sound of my voice.
Comme quoi, en misant davantage sur la technique, Benson a voulu être davantage sécuritaire au niveau de son scénario, tenant beaucoup plus son spectateur par la main que dans son Spring qui arrivait à surprendre tout du long jusqu’à sa très jolie conclusion. N’empêche, The Endless a droit à des images fortes et plusieurs moments qui valent le détour. De plus, il en poussera certainement beaucoup à se questionner autant sur soi que sur le monde. Conférant à ce long-métrage l’écoute de la curiosité, mais pas nécessairement l’envie des réécoutes pour créer une boucle de fascination comme d’autres films qui ont tenté de jouer la carte de l’infini.
6/10
The Endless est présenté ce mardi soir 1er août à 19 h au Théâtre Hall de Concordia. Une sortie DVD devrait suivre via Well Go USA.
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