Les amateurs de musique électronique avaient rendez-vous au Théâtre Berri, vendredi soir, alors que l’un des maîtres du darksynth, le Français Carpenter Brut, installait ses claviers, ses platines et sa batterie pour une autre étape de sa tournée nord-américaine.
Rendez-vous était donné, donc, par un froid polaire, pour s’installer devant la scène, histoire d’attendre l’arrivée de ce représentant de la French Touch sur les stéroïdes. C’est la formation québécoise Le Matos qui devait assurer la première partie. Le groupe, bien connu pour avoir réalisé la bande sonore du film de science-fiction post-apocalyptique Turbo Kid, a rapidement soulevé des doutes sur un possible bon déroulement de la soirée.
Il faut ici apporter quelques précisions: en soit, la musique du Matos est tout à fait honorable: c’est là de l’électronique bien exécutée, des rythmes accrocheurs – surtout les titres Sarah et La mer des possibilités, entre autres -, mais dans dans l’enceinte du Théâtre Berri, les deux membres du groupe ont semblé préféré offrir de la musique d’ambiance plutôt que quelque chose servant à véritablement réchauffer la foule.
Le réchauffement aurait pourtant été le bienvenu: on ignore ce qu’en pensaient les architectes au moment de la construction de la salle (autrefois un cinéma, puis le Théâtre Telus, avant d’être transformé et agrandi pour devenir l’actuel Théâtre Berri), mais la forte affluence a forcé les employés à l’accueil à constamment garder les portes ouvertes pour accueillir le public. Résultat, un vicieux courant d’air glacial s’obstinait à descendre dans la salle, frigorifiant les spectateurs ayant choisi de demeurer en retrait du parterre. Le froid était si intense, en fait, que la personne qui accompagnait ce journaliste a éventuellement décidé de remonter au vestiaire pour récupérer son manteau.
Dire que la soirée commençait difficilement tient pratiquement de l’euphémisme.
Mais 2h30 après être entré dans la salle, 30 minutes après l’heure passée à se tourner parfois les pouces et à vérifier épisodiquement son téléphone pendant que Le Matos offrait une performance oubliable, voici que s’amène Carpenter Brut et ses musiciens. Et ses musiciens, effectivement, puisque contrairement à trop d’artistes de musique électronique, certains rythmes et certaines sonorités sont ici adaptés pour être joués à la guitare électrique et à la batterie. Et quelle adaptation! Il fallait voir ce batteur se déchaîner, baguettes bien en main! Et le voir ensuite s’éponger le visage… Normal, pour une prestation presque constante d’une durée d’une heure.
À voir – et entendre, bien sûr – le spectacle, on en oubliait presque le courant d’air froid et l’acoustique parfois difficile. Parfait pour les amateurs montréalais qui espéraient depuis longtemps la venue de l’une des grandes vedettes du milieu.
Mais si l’on veut être tatillon, on pourrait ergoter sur le fait que si l’on aime suffisamment Carpenter Brut pour regarder des vidéos de concerts disponibles sur YouTube, on constatera rapidement qu’il n’y avait pas grand chose de neuf dans l’édition montréalaise de la tournée. Oh, on a certainement eu droit à d’excellentes variations sur le matériel connu, mais dans l’ensemble, tout était réglé au quart de tour, y compris le (très bon) rappel.
Le concert valait-il le déplacement? Le résultat aurait probablement été meilleur si Carpenter Brut avait eu droit au Metropolis. L’imbroglio d’une heure pour récupérer les manteaux et sortir de la salle, imbroglio auquel ce journaliste a heureusement échappé, n’aurait sans doute pas eu lieu. Sans parler de la qualité du son…
Bref, voir Carpenter Brut en spectacle, c’est bien. Mais le public est sans doute en droit de s’attendre à ce que les pièces qui circulent depuis plusieurs années déjà soient rapidement accompagnées d’un nouvel album. À quand l’heureuse suite?