Mathilde Perallat
« Non! Je n’ai pas perdu mes racines ni été déracinée. Arrête de me fixer. Mon sang est épais et rouge comme le tien. Je fais partie d’une fusion culturelle. »
Re-conter l’Afrique est un projet initié par Ghislaine Doté et qui présente trois témoignages aussi personnels qu’engagés sur l’expérience de femmes de la diaspora africaine dans le monde blanc.
À la fois dansé, raconté et chanté, chaque opus d’une demi-heure est une exploration artistique d’une femme avec son récit, ses souvenirs, ses expériences. Chaque histoire et proposition est aussi proche et différente l’une de l’autre que l’est la couleur de leur peau. Elles sont noires certes, mais ne sont-elles pas blanches aussi? Racontent-elles toutes la même histoire? Au lendemain des Oscars qui ont fait de la récompense du film Moonlight un acte politique et alors que le documentaire I’m not your negro sur les discours de James Baldwin remet au centre du débat la place des noirs dans l’histoire américaine, Re-conter l’Afrique ne pourrait être plus pertinent.
La soirée commence par le solo de Ghislaine Doté Skin box. Elle sort d’un Rubik’s cube en carton, image de la boite dans laquelle sa couleur de peau l’a enfermée. Elle porte l’air naïf propre aux comédies musicales. Ghislaine nous raconte, du haut de son petit banc. Elle a rêvé des Disney où les princesses sont toujours blanches. Mais qui se réveille le matin en se disant « Tiens, je suis noire » nous interpelle-t-elle? Dans ses fantasmes, elle était l’héroïne d’un conte de fée. Aujourd’hui elle sait qu’elle porte en elle quelque chose de plus grand, un mélange culturel unique, qu’elle nous offre sur scène sous la forme de passages dansés mêlant danse contemporaine et influences africaines. La possibilité d’un universalisme auquel elle aspire et qui est fortement soutenu par sa terre d’accueil le Canada.
The sleepwalker de Funmi Adewole porte une tension plus grave. Fortement habitée dans une forme qui rappelle le conte populaire africain et les danses d’invocation des esprits, la pièce relate des souvenirs de jeux d’enfants entre rêves éveillées et cauchemars. De celle qui cherche sa place entre le Grande-Bretagne où elle est née et le Nigéria où elle a grandi.
Enfin Ceci n’est pas noire d’Alesandra Seutin veut nous questionner sur l’identité. Entre nos perceptions, nos projections et la complexité des réalités. Le charisme de cette grande noire avec son rouge à lèvres rouge, sa peau éclatante couleur caramel, est hypnotisant. Elle joue avec nous public, incarnant plusieurs facettes de ce qu’on connaît de la culture noire. Nous ouvrant ainsi les portes de divers univers de la culture noire, Alesandra nous prend à partie pour défaire nos propres préjugés, avec autan de délicatesse et fougue.
Dans le nouvel espace de l’Agora de la danse à l’édifice Wilder où les murs sont encore plaqués de bois de construction, la nouvelle salle de spectacle est intimiste et parfaitement adaptée au spectacle qui se veut simple et sans prétention. Mais il n’y a pas de petites œuvres.
Une heure et demie de plongée intimiste avec ces femmes de la diaspora, représentantes de la mixité et de la fusion culturelle. Ces femmes belles et victorieuses.
Re-conter l’Afrique
Tangente Danse
Du 2 au 5 Mars à l’Édifice Wilder