Pour certains, il s’agit d’une nouvelle preuve de l’incurie des politiciens. Pour d’autres, un signe qu’aucun parti accédant au pouvoir n’a vraiment envie de changer les choses.
Quoi qu’il en soit, l’annonce officielle, par le premier ministre libéral fédéral Justin Trudeau, de l’abandon de toute tentative de réforme du mode de scrutin d’ici aux prochaines élections nationales, a fait bondir les détracteurs de toutes les allégeances politiques. Et pour la députée de Québec solidaire Manon Massé, le moment est idéal pour que l’Assemblée nationale saisisse la balle au bond.
« M. Trudeau s’était engagé à faire les choses différemment. Aujourd’hui, sa marque de commerce, la politique positive, sonne creux », martèle Mme Massé. « Vous avez oublié la vertu cardinale d’un gouvernement démocrate, M. Trudeau : tenir ses promesses. Avant d’être élus, les libéraux ont affirmé vouloir faire compter chaque vote. Une fois au pouvoir, ils se sont arrangés avec le gars des vues pour faire compter chaque vote… libéral! », a-t-elle déclaré par voie de communiqué.
« À l’Assemblée nationale, on écoute Mme de Santis et on a l’impression d’entendre la ministre de l’Immobilisme des Institutions démocratiques. Mme de Santis, M. Couillard, arrêtez de vous cacher derrière le fédéral! Les Québécoises et les Québécois ont maintes fois exprimé qu’ils voulaient sortir d’un système désuet hérité des Britanniques », poursuit la députée de Sainte-Marie–Saint-Jacques.
« Il y a quelques semaines, les deux autres oppositions rejoignaient Québec solidaire et la société civile pour exprimer d’une seule voix le vœu de tourner le dos au système uninominal à un tour. Soyons clairs : la balle est maintenant dans le camp du Parti libéral. Cautionnera-t-il les plates excuses de son homologue fédéral ou entamera-t-il sans attendre les démarches pour que chaque vote compte? »
Au Parti libéral, c’est le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, qui semblait réagir le plus fortement à l’annonce de mercredi. Sur Twitter, M. Barrette s’en est vivement pris à M. Trudeau, affirmant que l’échec de la volonté de réforme démocratique était une « autre promesse brisée » du gouvernement fédéral, après l’échec des négociations sur la modification des transferts fédéraux en santé. Le ministre Barrette s’est néanmoins bien gardé de se prononcer sur une telle réforme du mode de scrutin, écrivant noir sur blanc que « ce (précédent) tweet n’est en rien une position sur la réforme électorale fédérale, mais bien et exclusivement sur ce qui m’importe: TCS ».
Le NPD en colère
Le Nouveau Parti démocratique n’en démordait pas aux Communes, mercredi. Comme le rapporte ICI Radio-Canada, les députés Nathan Cullen et Alexandre Boulerice ont tiré à boulets rouges contre le gouvernement libéral, M. Boulerice allant même jusqu’à accuser le premier ministre d’avoir « menti aux Canadiens », ce qui lui a valu de vives remontrances de la part du président de la Chambre.
« À partir du moment où les libéraux gagnent avec 39 % du vote, qu’ils obtiennent 55 % des sièges et 100 % du pouvoir, ils ne voient plus la nécessité de changer un système électoral qui les a avantagés. M. Trudeau manque de respect envers les gens, mine la confiance à l’égard de nos institutions et rehausse le cynisme en politique », a dit M. Boulerice, toujours selon le diffuseur d’État.
La volte-face libérale survient alors que M. Trudeau avait déjà remanié son équipe et évincé sa précédente ministre en charge du dossier, Maryam Monsef, pour la remplacer par Karina Gould. Celle-ci devra plutôt se concentrer sur les risques de piratage des institutions électorales et sur les activités de financement.