Contre toutes attentes, même s’il tombe dans la majorité des pièges qu’on attendait, le Patriot’s Day de Peter Berg est loin d’être aussi pitoyable qu’annoncé et est, avec surprise, son projet le plus ambitieux en carrière. Ce qui, on doit l’admettre, est assez gros à avouer.
À l’instar des suites, des reboots et des remakes qui voient le jour par dizaines, autant sur le grand que le petit écran, Hollywood pousse toujours plus loin et plus vite le désir de nous faire revivre le passé. Pour une troisième collaboration, Mark Wahlberg et Peter Berg s’intéressent à un fait qui a tenu le monde entier en haleine il y a moins de cinq ans, soit, le bombardement du marathon de Boston.
Propagande patriotique, raz-de-marée d’émotions, sentimentalisme poussé, il n’y a rien de neuf sous le soleil. Les policiers sont des héros, les vilains terroristes sont sans pitié, et l’amour triomphe de tout. Par contre, Berg s’en sort beaucoup mieux qu’Oliver Stone et son raté World Trade Center qui était en fin de compte une impitoyable lettre d’amour à l’Amérique et aux pompiers, et livre quelque chose qui tient facilement en haleine, ce, même si l’on connait déjà l’histoire.
Ce n’est pas sorcier, on se souvient de pratiquement tous les détails de l’événement, et il y a ici relativement le même schéma narratif que ses précédents films : une mise en contexte misant sur le banal, l’élément déclencheur où tout dégénère et une course contre la montre pour s’en sortir alors qu’on devinera rapidement que ce ne seront pas tous les personnages qu’on nous a montrés et appris à plus ou moins apprécier qui survivront.
Pourtant, là où Patriot’s Day se différencie de ses prédécesseurs, soit son Lone Survivor (même si le travail sonore n’est pas aussi impressionnant) et son Deepwater Horizon (même si les scènes d’actions sont décidément moins spectaculaires), c’est que Berg et son équipe de scénaristes (pas moins de cinq personnes ont collaboré à l’histoire) ont en tête de tisser un casse-tête policier ambitieux qui a décidément plus de profondeur (à l’inverse des personnages) que ce à quoi le cinéaste nous a précédemment habitués. Non pas qu’on a envie de vous rappeler l’insipidité de Battleship, quoique tant qu’à y être..
Ainsi, dans un désir évident de nous livrer son JFK, bien que le résultat soit plus près d’un film de Ben Affleck, en mélangeant son savoir-faire télévisuel tout comme celui plus cinématographique, Berg crée un amalgame surprenant de tons. C’est de cette façon qu’on voit se superposer un mélodrame humain avec une enquête digne de True Detectives, en passant par un épisode d’une série policière jusqu’à un film choral qui veut unir les uns et les autres comme le faisait un certain Crash. Dénué de toute subtilité comme il nous l’a montré des centaines de fois, on pense notamment à cette façon d’insister sur les plans de pieds et de jambes de son jeune couple, tout comme de personnages anodins qui auront un rôle clé un peu plus tard, le long-métrage doit beaucoup à sa distribution que ce soit dans des rôles plus petits ou plus grands.
On pense notamment à cette courte réunion de John Goodman et Khandi Alexander, tous deux en vedette dans la mésestimée télésérie Treme, tout comme la présence toujours réconfortante de Kevin Bacon et J.K. Simmons. Bien sûr, Michelle Monaghan ne peut malheureusement pas nous montrer ici l’étendue de son talent et Wahlberg semble davantage évoquer The Other Guys que The Fighter, ils sont après tout l’incarnation métaphorique du public, par la personnification de personnages fictifs créés pour mieux unir les multiples éléments narratifs et significatifs. Par contre, après une première partie qui traîne en longueur (on aurait pu facilement éviter d’étendre le tout au-delà de deux heures), et de nombreux fous rires involontaires, Patriot’s Day deviendra trépidant à mi-parcours.
En misant sur la chasse à l’homme et sur le côté procédural de l’enquête, entre le désir de vérité, de vengeance et de justice, le spectateur changera de position et sera facilement sur le bout de son siège pour voir jusqu’où le film sera prêt à aller pour nous investir. Le tout sera d’ailleurs grandement aidé par l’apport inestimable de Trent Reznor et Atticus Ross à la trame sonore qui donneront au film une cadence unique, prouvant que sans David Fincher, ils ne sont décidément pas perdus et constamment très inspirés, parvenant avec de longues compositions à faire vivre autant la paranoïa, la terreur que l’excitation. Comme quoi, après Explosions in the Sky et Steve Jablonsky, notamment, Berg sait toujours comment bien s’entourer musicalement.
Il ne faut toutefois pas se méprendre. Patriot’s Day n’est pas nécessairement un bon film. Il est finalement assez manichéen et d’une certaine manière assez inutile puisqu’on a vécu ces événements il y a trop peu longtemps. Malgré tout, en se donnant le mandat de transformer la réalité en une certaine expérience cinématographique, bien que cette dernière soit souvent trop poussée et touchant même au voyeurisme, Berg nous montre finalement qu’il a une vision. Restera à voir s’il saura la pousser davantage lors de son prochain projet, ce, tout en continuant d’autant compter sur le talent des autres pour l’épauler.
6/10
Patriot’s Day prend l’affiche ce vendredi 13 janvier.