Voué au scandale pour la simple raison qu’un tel projet existe, c’est finalement la controverse entourant le premier film de Nate Parker sur la rébellion de l’esclave Nat Turner qui fait davantage jaser que l’oeuvre elle-même. Autrefois promis à un parcours sans failles pour les cérémonies prestigieuses, on peut dire qu’il peut en arriver des choses en quelques mois face à un film qui fait tout sauf passer inaperçu.
Moins de cinq ans après le triomphe de 12 Years a Slave, duquel il restera constamment dans l’ombre, juste assez vite pour éclipser le très ennuyant Free State of Jones, The Birth of a Nation emprunte le titre d’un film clé de l’histoire du cinéma en essayant de faire sa propre marque, ce, en évitant d’être soit un remake ou une relecture. C’est ce que ce projet bordé d’ambitions, en oubliant tous les scandales antérieurs qui entourent son créateur, est le petit bébé de l’acteur Nate Parker qui a mis une bonne part de ses économies dans la création de ce premier long-métrage qu’il a écrit, produit, réalisé et dont il a interprété le rôle principal.
Bien qu’imparfait, il est tout de même reparti de Sundance avec deux prix soit celui du Jury et du public (prix accordé aux brillants Me and Earl and the Dying Girl et Whiplash dans les années précédentes), en plus de représenter le plus grand deal de l’histoire du festival alors que Fox Searchlight a déboursé plus que jamais pour l’acquérir.
Volontairement provoquant et aussi poignant qu’éprouvant à plus d’un moment, il peut sembler inutile de ressasser à nouveau les conditions inhumaines qu’ont subis les esclaves noires lors des débuts de l’Amérique et pourtant, face à un nouveau pan encore inédit et miroitant tous les problèmes raciaux qui continuent de sévir partout, Parker parvient à livrer un long-métrage bouillant et nécessaire.
Captivant dès le départ, grâce à des performances d’une grande puissance (on retrouve tout de même Armie Hammer, Jackie Earle Haley et Dwight Henry dans la distribution) qui ne manquent pas de camoufler des personnages tous plus grisâtres les uns des autres (même si on ne les développe pas toujours à leur pleine profondeur), on peut aussi compter sur une poésie certaine dont on aurait pris toutefois davantage. Surtout puisque le dernier acte est étrangement bousculé face à une première partie d’une force indéniable. C’est que bien qu’historique, la rébellion de Turner, suite à tous les malheurs qui l’auront frappée malgré tout son désir de changer les choses et de profiter de ses capacités littéraires uniques, tombera rapidement vers quelque chose de brutal, oui, mais plus près d’un Django Unchained qu’une réalité déconcertante, sans pour autant assumer le côté amplifié, exagéré de la chose.
C’est que plus le récit avance et plus les choses deviennent trop grandes pour Parker qui a le talent nécessaire pour l’interpréter, mais pas encore tout le doigté nécessaire pour écrire et capter l’intensité grandissante de la colère qui monte toujours plus haute. C’est là que le bât blesse et qui empêche The Birth of a Nation d’être finalement l’œuvre aussi importante qu’elle aurait voulu être, son manque de subtilité devenant ainsi trop prise dans ses messages (notamment dans sa finale, très appuyée, qui perd beaucoup des nombreuses possibilités poétiques dont elle aurait pu bénéficier), on pense entre autres à ce segment tout simplement sublime sur la pièce Strange Fruit interprétée par l’inimitable Nina Simone qui est tout l’inverse des mauvais pas du film.
Voilà donc un excellent film qui marquera certainement le spectateur qui sera prêt à endurer ce qu’on lui montrera à l’écran et une œuvre qui poussera considérablement à ouvrir et nourrir les débats sur toutes sortes de sujets. Un long-métrage qui mérite décidément notre attention pour ce qu’il apporte et pour ce qu’il représente.
7/10
The Birth of a Nation prend l’affiche ce vendredi 7 octobre.