« La chasse ! », s’exclame le photographe Robert Fréchette en entrevue, après lui avoir demandé ce qui l’intéressait dans les cultures autochtones. L’Avenue du Mont-Royal et la Maison de la culture du Plateau-Mont-Royal présentent l’exposition Pérégrinations nordiques jusqu’au 31 octobre, une immersion de 15 ans parmi les Inuits au Nunavik.
Au nord du 55e parallèle, le territoire québécois abrite une région immense peuplée le long de la rive. On s’y rend en avion comme il n’y a pas de routes. Les produits périssables arrivent par avion et les denrées sèches sont livrées par bateau durant l’été. « Pris au Nunavik avec un Inuit, c’est sûr que tu vas survivre. Dans un blizzard, sans Inuit pour te guider, tu n’as pas beaucoup de chances », me confie Robert Fréchette valorisant les aptitudes innées de ce peuple pour l’orientation, la navigation et la survie sur son territoire.
Il y a moins de 100 ans, les Inuit y vivaient comme leurs ancêtres d’un mode de vie nomade, de chasse et de pêche. Les unités nucléaires, des familles isolées, ne se rassemblaient qu’une fois par année au plus grand poste de traite. « Là-bas, il y a des gens de mon âge qui sont nés dans un iglou et qui ont vécu leur jeunesse dans une tente », me transmet le photographe avec fougue. Aujourd’hui, ils habitent dans des maisons solides, chauffées, regroupées dans des villages. Ils se déplacent en Ski-Doo.
La colonisation a forcé la sédentarisation de ce peuple fondamentalement nomade par le déplacement des populations, la séparation des familles et l’envoi d’enfants dans des orphelinats et écoles au Sud. Plus tard, la télévision, les jeux vidéo et l’informatique ont meublé le vide qui sépare les jeunes générations de leur tradition. Même si le savoir ancestral est difficile à marier avec internet, les Inuits utilisent beaucoup le média social Facebook afin de communiquer entre eux, spécifie le photographe. La communauté est constituée de 14 villages isolés les uns des autres.
Renouer avec la chasse
Devant le problème du décrochage scolaire, Robert Fréchette a participé à la mise sur pied du programme Héritage. Il s’agit d’organiser des expéditions de chasse avec des aînés et les jeunes décrocheurs afin de donner à ces derniers le goût d’apprendre, leur démontrant que l’apprentissage peut être intéressant. Auparavant, la transmission ce faisait par imitation des paires. À force de les côtoyer et de les observer, les jeunes assimilaient leurs gestes. Ainsi, l’un des plus grands dommages de la colonisation est d’avoir remplacé la stature du père par l’État, déplore le photographe.
Depuis la signature de la Convention de la Baie-James en 1975 par le gouvernement du Québec et trois nations autochtones: Cris, Inuits et Naskapis, la vaste région du Nunavik a été divisée en trois types de zones. La zone 1 correspond à leur village et les environs. La zone 2 ne leur appartient pas, mais ils détiennent des droits exclusifs de chasse et de pêche. Alors que la zone 3 leur échappe, il s’agit de territoires d’exploitation pour le développement minier, par exemple.
Robert Fréchette a participé à la création de parcs nationaux au Nunavik, ce qui lui a permis de faire de la photographie aérienne, en plus de la photographie animalière et du photojournalisme portant sur la communauté. Trois pratiques qui composent l’exposition sur l’Avenue Mont-Royal.
Tous les deux ans, l’Institut culturel Avataq dont il est le directeur organise une conférence des aînés. Lors de cet événement, à l’automne dernier, il a pris les portraits exposés à la Maison de la culture du Plateau-Mont-Royal.
Il présente ses photographies aux Montréalais avec humilité, il s’agit de « l’impression d’un peuple qui n’est pas le sien ». Je lui ai demandé si c’était un choc pour un Inuit de venir vivre en ville, à Montréal, le photographe s’est exclamé : « C’est toute une adaptation ! …d’être capable d’embarquer dans cette vie de fou ».
L’exposition Pérégrinations nordiques est présentée le long de l’Avenue Mont-Royal jusqu’au 31 octobre.