Martin Prévost
Avenue des mystères est le titre de la traduction française du dernier roman de John Irving, paru récemment aux éditions du Seuil. C’est le quatorzième roman de cet auteur américain d’origine et vivant dorénavant au Canada.
Le moins qu’on puisse dire de John Irving, et cela ce confirme dans ce nouvel ouvrage, c’est qu’il n’imagine pas des personnages ordinaires. De l’infirmière qui se fait mettre enceinte par un soldat inconscient dans Le monde selon Garp, au médecin qui distribue des condoms qu’il a secrètement percés, dans L’œuvre de Dieu, la part du diable, en passant par… l’ours dans Hôtel New-Hampshire, on a peine à croire que l’imagination de l’auteur se tarira un jour.
Cette fois encore, il s’en donne encore à cœur joie en prenant pour héros de cette nouvelle histoire, un écrivain (là, ce n’est pas nouveau) boiteux, élevé sur une décharge au Mexique, qui a pour mère est une prostituée qui travaille aussi comme femme de ménage dans un orphelinat tenu par des prêtres et dont la sœur sait lire dans les pensées des gens et des animaux, mais qu’il est le seul à comprendre la langue qu’elle parle. De plus, pour ne pas risquer que son histoire puisse paraître banale ou ennuyeuse, il a fallu que l’écrivain dont il est question, lorsqu’il était adolescent, soit adopté par un couple peu conventionnel: un prêtre défroqué et un travesti. Tout ça sous l’égide d’une statue géante de la vierge qui a daigné pleurer sur le prétendu père naturel du héros. Vous vous y retrouvez? Si oui, je peux donc ajouter que vers la fin de sa vie, lors d’un voyage qu’il avait promis de faire depuis longtemps pour honorer la mémoire d’un soldat dont il sait qu’il ne retrouvera sans doute jamais la tombe, car il ne connaît pas son nom, Juan Diego Guerrero, écrivain devenu célèbre, sera accompagné par deux fantômes, ou deux fantasmes, selon le point de vue, deux femmes qui n’auront de cesse de lui dire quoi faire et de lui faire l’amour, à toute occasion, quitte à lui forcer un peu la main avec de petites pilules bleues en forme de losange.
Voilà donc un roman truffé de personnages peu probables, mais auxquels la plume d’Irving nous donne tout de même envie de croire. Malheureusement, il est aussi truffé de répétitions, mais chargé de bien peu de contenu. Est-ce une critique de l’Église catholique, et particulièrement des Jésuites? Un peu, mais pas vraiment. Pourrait-on parler d’un voyage initiatique, alors que le héros approche de la fin de sa vie? Non plus. En fait, il s’agit plus probablement d’une rêverie nostalgique dont l’auteur est peut-être le seul à en comprendre le but. Au bout du compte, on reste un peu sur sa faim.