Grand soir, mardi, à la Maison symphonique, alors que l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) avait mis les petits plats dans les grands, et pour cause: on avait inscrit le Boléro de Ravel en tête d’affiche.
Pour l’occasion, la salle était pratiquement comble. Une situation quelque peu cocasse pour une oeuvre de moins de 15 minutes, et dont le créateur disait qu’elle était son chef-d’oeuvre, mais qu’il était « vide de musique »! De fait, on a certes annoncé que l’orchestre et maestro Nagano allaient interpréter ce classique des classiques, mais ladite oeuvre s’est retrouvée reléguée en toute dernière partie de concert, comme une arrière-pensée. Ou comme une apogée?
De fait, la belle surprise de ce concert, ce ne fut pas ce fameux Boléro, mais plutôt L’Oiseau de feu de Stravinsky dans sa version intégrale. Véritable trame sonore de conte, la musique de ce ballet est certainement ce que l’on peut qualifier d' »oeuvre complète ». Tout y est: le mystère et l’ambiance à glacer le sang au tout début, l’atmosphère magique par la suite, la cavalcade endiablée avant la grande finale… Stravinsky se surpasse, et l’OSM était tout à fait à la hauteur pour rendre hommage au grand compositeur russe. Soulignons d’ailleurs que M. Nagano maîtrisait très bien les énergies musicales de ses musiciens, sachant doser celles-ci. Le proverbial couvercle sur la marmite, certainement.
En ce sens, le chef d’orchestre travaillait-il davantage à guider ses musiciens plutôt qu’à les transporter, comme il en a l’habitude? Les deux méthodes ont leurs mérites respectifs, certainement, mais cette direction moins « agressive » a ses charmes que l’on serait fou de nier.
Mais oui, L’Oiseau de feu, oeuvre complète, puisqu’on y passe de l’amour à la haine, en passant par le courage et la peur. À ré-entendre jusqu’à plus soif.
Mentionnons aussi que la deuxième pièce au programme, Don Juan de Richard Strauss, est exactement à l’image de ce séducteur à la recherche de son idéal féminin inatteignable: l’oeuvre est pleine de passion, de romantisme, de bravade, mais s’avère aussi être tourmentée et laisse transparaître une certaine mélancolie. Guidé par ses tripes jusqu’à son trépas, Don Juan meurt « dans les dissonances d’un accord joué pianissimo », peut-on lire dans le programme; impossible d’affirmer le contraire.
En fin de concert vint donc le temps du Boléro, celui que tous attendaient, sans doute. On se demandera peut-être pourquoi la pièce trônait en tête d’affiche, alors que L’Oiseau de feu était non seulement plus long, mais aussi plus complexe et plus beau, musicalement parlant, que l’oeuvre de Ravel. Quoi qu’il en soit, l’OSM se chargea de sa tâche comme il convient, avec un résultat sans faille. Rien de spectaculaire, soit, mais rien de décevant non plus. La fin du concert laisse un peu perplexe, il faut en convenir, sans toutefois aller jusqu’à affirmer que quelque chose clochait en ce mardi soir fort agréable.