Que s’est-il passé pour que chez nos voisins américains, les Blancs racistes se rangent de plus en plus derrière la Cour suprême, le plus haut tribunal du pays? Voilà du moins la constatation effectuée par des chercheurs de l’Université du Massachusetts à Amherst, qui estiment qu’il s’agit-là d’une profonde transformation de l’opinion publique, toujours plus polarisée chez l’Oncle Sam.
Les travaux en question, publiés dans Political Behavior, font état d’un renversement flagrant de situation: ainsi, dans les années 1980, les Américains blancs se disant davantage racistes tendaient à avoir une mauvaise opinion de la Cour suprême.
Aujourd’hui, écrit-on, ces mêmes personnes sont bien plus portées à juger la Cour favorablement.
Les conclusions de l’étude sont basées sur 40 ans de données récoltées par l’American National Election Study et la Cooperative Election Study, données qui s’articulent principalement sur la façon dont les attitudes raciales, principalement chez les Blancs, ont influencé leur vision du plus haut tribunal.
« Au cours des 40 dernières années, nous avons vu des changements dans la façon dont les Américains blancs, principalement ceux avec des opinions raciales hostiles, se positionnent par rapport à la Cour suprême, ce qui s’est produit en parallèle avec la façon dont les jugements de la Cour ont changé d’orientation politique », mentionne ainsi Kelsey Shoub.
Cette transformation de l’opinion publique semble ainsi être liée à l’évolution du rôle de la Cour suprême dans des décisions liées à des questions raciales. Durant l’époque de la lutte pour les droits civiques, des jugements importants comme Brown c. Board of Education ont associé la Cour au progrès racial.
Dans ce contexte, les Américains racistes étaient moins favorables à ce tribunal. Mais au cours des dernières années – la fin des années 2010, selon les chercheurs –, cette opinion s’est inversée, alors qu’une transformation idéologique de la Cour suprême, c’est-à-dire la nomination de plusieurs juges de droite, voire très conservateurs, a mené à d’autres décisions, telles que le recul du droit à l’avortement et de la discrimination positive, a signalé un changement du rôle du tribunal. Celui-ci aurait donc perdu son statut historique de défenseur des minorités.
Par ailleurs, les auteurs de l’étude confirment que c’est bel et bien la question raciale qui a alimenté ce regain d’intérêt et d’appui pour la Cour suprême chez les Américains blancs, et non pas, plus largement, l’idéologie politique.
Et ce n’est pas non plus, lit-on encore dans l’étude, une simple question de nombre de cas liés aux questions raciales, mais aussi la charge idéologique de ces dernières. Lorsque la Cour suprême rend une décision qui est jugée conservatrice, en lien avec un enjeu racial, les Américains blancs racistes se rallient derrière le tribunal.
« Ces résultats démontrent que la Cour suprême, qui est souvent perçue comme devant être un organe neutre de la justice, est de plus en plus perçue selon le prisme racial. Et cela s’est accentué avec le temps », estime Mme Shoub.