Le fait d’accoler une étiquette pour évaluer la crédibilité des sources d’information ne modifie pas l’intérêt du public pour certaines sources d’information de mauvaise qualité, pas plus que cela ne réduit la croyance envers des affirmations largement démenties, mais offrir un indicateur de la qualité des sources médiatiques pourrait améliorer la « diète » journalistique des plus grands consommateurs de fausses nouvelles, révèle une nouvelle étude du Center for Social Media and Politics de l’Université de New York.
Les chercheurs ont par ailleurs constaté qu’une majorité d’internautes se fiaient à des sources d’information crédibles, les deux tiers d’entre eux évitant même carrément les sites non fiables.
Les travaux, qui ont été publiés dans Science Advances, se concentrent sur des niveaux de crédibilité déterminés par NewsGuard, un greffon pour navigateur qui évalue les sites d’information afin de guider les internautes lorsqu’ils naviguent en ligne.
« S’il est encourageant de constater que la plupart d’entre nous s’appuient sur des sources d’information crédibles, il y a encore trop de gens qui vont vers des sites douteux, ce qui suscite des questionnements à propos des mauvaises perceptions dont pourraient souffrir les gens », mentionne Kevin Aslett, principal auteur de l’étude.
« Cependant, si notre étude démontre qu’en général, les cotes de crédibilité n’ont pas d’effet notable sur les perceptions erronées ou sur le comportement de l’internaute moyen en matière de consommation de nouvelles en ligne, nos résultats indiquent que les plus grands consommateurs de fausses informations – ceux qui s’appuient sur les sites peu crédibles – pourraient se tourner vers des sites plus fiables lorsqu’on leur présente des niveaux de crédibilité de sites. »
Dans le cadre de l’étude, menée en mai et juin 2020, les chercheurs ont demandé à un échantillon aléatoire de plus de 3000 internautes d’installer le greffon NewsGuard. Différentes icônes sont ainsi placées dans les fils des médias sociaux des internautes, par exemple, pour indiquer le niveau de qualité des sources d’information.
Pour mesurer l’effet de ces indicateurs, des données de sondage ont été recueillies à deux reprises, soit du 28 mai au 9 juin, et du 19 au 30 juin. En plus de ce coup de sonde, les chercheurs ont recueilli des données de navigation anonymisées pour caractériser la qualité de la consommation des nouvelles chez un sous-groupe d’environ 1000 participants.
Impacts néfastes
De précédentes études ont démontré que l’exposition aux fausses nouvelles peut accroitre la croyance envers la désinformation, renforcer le cynisme envers la politique, réduire la confiance envers les médias, et accroître la polarisation. De plus, il a déjà été indiqué que l’évaluation des sources par des experts, lorsqu’elle est accolée à un faux article de nouvelles, peut influencer la perception de la véracité des affirmations contenues dans l’article en question.
Avec ces résultats en tête, les chercheurs de la nouvelle équipe ont cherché à savoir si une cote apposée dans un fil d’actualités pouvait contrer ces effets en amenant les internautes vers des sites plus fiables, en renforçant la confiance envers les médias et les sources crédibles, ou encore en limitant la polarisation politique et le cynisme.
À la suite de leurs démarches, l’équipe de recherche a été en mesure de présenter plusieurs conclusions.
Tout d’abord, une majorité d’internautes s’appuient sur des sources d’information crédibles; près des deux tiers (65 %) des participants n’ont visité aucun site non fiable, et seulement 1,5 % des participants se sont tournés de façon importante vers les sites mensongers et trompeurs pour s’informer.
En moyenne, la cote de crédibilité des sites n’avait pas d’impact : les personnes consommant des informations erronées ont continué de le faire, et leur confiance envers les médias traditionnels n’a pas augmenté.
« À notre époque partisane, lorsque les attitudes par rapport aux sources d’information sont étroitement liées à la partisanerie, des indices relativement subtils comme des cotes de crédibilité pourraient ne pas être suffisants pour transformer les habitudes et contrer la désinformation chez le public, en général », observe Andrew M. Guess, un coauteur des travaux. « Cependant, l’un des indicateurs clés du succès de notre intervention est la façon dont a changé le comportement de ceux qui prennent leurs nouvelles sur les sites les moins fiables. Le fait que cela ne fonctionne pas pour l’ensemble de la population ne veut pas dire que cet outil ne fonctionne pas. Cela veut dire que cet outil doit faire partie d’une gamme de moyens pour combattre la dissémination des fausses informations en ligne. »