Mais que se passe-t-il avec Julie Delpy? Après des années à représenter fièrement le cinéma d’auteur, aurait-elle finalement flanché du côté du succès public? La certaine détresse dont son relâchement fait preuve semble l’indiquer et le piètre Lolo n’indique rien de bon pour l’avenir.
Toutes les crises de la quarantaine sont différentes, mais celle de Julie Delpy, en mode définitivement plus névrosé qu’à l’habitude n’est pas de tout repos. De celle qui, à une certaine époque, affectionnait son long-métrage dans toutes les facettes imaginables en se chargeant du scénario, de la réalisation, du montage, de la trame sonore et du rôle principal notamment, disons que les temps ont changé. Déjà, son 2 Days in New York n’avait absolument rien à voir avec le génie de 2 Days in Paris, et, depuis qu’elle a eu le rôle le plus insignifiant de tout l’univers Marvel réuni, on a presque envie de dire qu’elle a abdiqué avec sa plus récente offrande.
Bien sûr, son désir de faire dans l’humour rassembleur et de ne pas y aller de main morte dans les sujets chauds semble encore se faire sentir, mais la subtilité n’est plus de mise et bien qu’ambitieuse, son incursion dans l’univers des enfants rois ne va jamais plus loin que la simple succession de coups sous la ceinture. Comme quoi, dans ce combat entre le fils et le beau-père, on ne sait jamais trop comment aborder l’ensemble, privilégiant l’humour simpliste qui n’est jamais tendre comme finissait par le devenir le moins décevant Daddy’s Home qui mettait en vedette Will Ferrell et Mark Wahlberg, et jamais assez psychotique comme on a tendance à le suggérer, comme un certain À la folie… pas du tout avec Audrey Tautou (et tous les autres exemples du même type).
Il faut donc bien plus que des femmes qui n’ont pas peur de dire tout ce qu’elles pensent et une utilisation démesurée du mot « chatte » (pas dans le sens de l’animal) pour redonner au féminisme sa noblesse. Le long-métrage ne s’élève certainement pas plus haut que d’autres exemples similaires tel Sous les jupes des filles ou même Les Gazelles, et est à mille lieues du Bridesmaids de Paul Feig et de l’irrévérence réfléchie de Lena Dunham ou Amy Schumer.
Certes, Karin Viard s’éclate, sans pour autant atteindre la jouissance de Sandrine Kiberlain dans Les gamins ou 9 mois ferme, mais c’est Danny Boon, dans une retenue qui rappelle François Damien qui surprend. Il trouve son pied en souffre-douleur et s’entiche indubitablement de notre compassion, surtout face à un Vincent Lacoste volontairement insupportable, loin de l’ado attachant qu’il interprétait dans le trop vite oublié Les beaux gosses.
D’accord, le ton est léger et la mise en scène de Delpy a une certaine habileté à jongler avec l’ensemble, mais rien n’en ressort de façon marquante ou réussie, et ce grand chaos est plus rapidement douteux et intolérable que brillant. C’est grandement dommage puisqu’il y avait certainement quelque part la possibilité d’en faire ici une comédie intelligente et accessible en jouant sur des enjeux actuels nécessaires, les jeunes ayant trop souvent la part facile.
Lolo est donc une amère déception pour Julie Delpy qui continue de multiplier ses performances autant chez les Français que les Américains, pour le meilleur et le pire, mais on a bien hâte que son inspiration pour ses propres productions retourne à quelque chose de plus sincère et que sa vulnérabilité prenne une forme dans laquelle on puisse également trouver notre place. En attendant, on réécoutera le sublime Before Midnight auquel elle a participé de diverses façons, une autre incursion dans le couple et la famille, en plus d’être l’un des grands films des dernières années.
4/10
Lolo est disponible en DVD depuis le 16 août dernier.