Il y a eu le film, sorti au début des années 2000, avec Ben Affleck dans le rôle principal, celui de Jack Ryan, épaulé par un Morgan Freeman fidèle à lui-même. Mais au-delà de cette Somme de toutes les peurs, qui n’a franchement jamais été un grand film, ni même vraiment un bon film, il y a aussi le roman du même nom, écrit par Tom Clancy, qui a certainement l’avantage de développer davantage son univers.
Publié en 1991, La somme de toutes les peurs, ou The Sum of All Fears, dans son titre original anglais, se déroule peu de temps avant la disparition officielle de l’Union soviétique; l’URSS est ainsi confrontée à de nombreuses tensions, internes et externes, ce qui laisse craindre l’éclatement d’une guerre civile, si des groupes radicaux décident de s’emparer du pouvoir.
Au même moment, Jack Ryan, toujours aussi pratico-pratique pour faire avancer les intérêts américains, planche sur une solution pour instaurer la paix au Proche-Orient, rien de moins. Et puisque ce sont les États-Unis qui mènent la marche vers le progrès et la stabilité mondiales, l’initiative fonctionne, bien entendu, malgré quelques accrocs.
Mais cela, la fin du conflit israélo-palestinien, n’est évidemment pas du goût de tout le monde, et nous aurons droit à une alliance passablement improbable entre un Autochtone, des militants arabes et des révolutionnaires est-allemands déconfits par la chute du Mur. Leur objectif? Raviver la confrontation entre les grandes puissances, histoire de rappeler aux États-Unis que la guerre froide n’est pas terminée.
Pour ceux et celles qui ont vu le film, le grand chambardement scénaristique est bien connu: ces terroristes font sauter une arme atomique dans le stade accueillant le match du Super Bowl. S’ensuivra une escalade militaire et quelques dérapages entre Américains et Soviétiques, et les deux camps passeront bien près de déclencher la Troisième Guerre mondiale.
Là où film et livre divergent, c’est que non seulement les méchants changent d’identité, passant d’anciens révolutionnaires, dans le roman, à des néonazis et autres industriels aussi riches qu’obscurs, mais le contexte historique, dans le livre, a beaucoup plus de sens que dans le long-métrage.
Après tout, Clancy a publié son roman alors que la Guerre froide n’était pas encore officiellement finie, alors que l’on semblait assister à la « fin de l’histoire », avec la disparition de la seule véritable force d’opposition idéologique, politique et économique au capitalisme.
Dans le film, sorti en 2002, nous sommes plutôt dans la foulée directe des attentats du 11 septembre; le terrorisme n’a plus vraiment de visage politique, mais vise maintenant surtout la terreur la plus abjecte. L’ennemi est invisible, et il faut se rabattre sur un « méchant » facile – les nazis –, puisque les communistes ne sont plus de ce monde.
Et donc, même si l’écriture de Clancy est toujours aussi défaillante, notamment lorsqu’il est question de donner de la profondeur à ses personnages, qui plus est aux personnages féminins – le jupon du conservatisme social de l’auteur dépasse un peu trop souvent –, La somme de toutes les peurs réussit à bien cadrer l’ambiance d’incertitude politique, sociale et stratégique de la fin de la Guerre froide. On dirait que tout peut arriver, à chaque instant. Et qu’il ne suffirait que de deux ou trois erreurs de communication pour que le feu nucléaire ne s’abatte sur nos têtes…
Faut-il absolument lire La somme de toutes les peurs? Pas vraiment. D’autant plus que, fidèle à son habitude, Tom Clancy est autant capable de tourner les coins ronds que de s’éterniser. Il faudra ainsi environ 600 pages pour que la véritable action débute. Heureusement, la chose demeure suffisamment divertissante pour que l’on considère le tout comme une lecture estivale « légère ».