Quatre jours à peine après l’annonce-choc de Washington interdisant à la prestigieuse Université Harvard d’accueillir des étudiants étrangers, au moins trois universités de Hong Kong, et d’autres en Asie, ont fait publiquement une offre aux étudiants « rejetés ».
Dans la foulée des attaques des derniers mois de l’administration Trump contre les universités, un pas important a été franchi en effet le 22 mai, avec un communiqué du département de la Sécurité intérieure (Department of Homeland Security) interdisant à l’université basée en banlieue de Boston d’accueillir des étudiants étrangers. L’université a répliqué par une poursuite contre le gouvernement le 23 mai; un juge a temporairement annulé l’interdit, en attendant qu’il soit analysé par un tribunal.
Mais en attendant, au moins trois universités de Hong Kong et d’autres en Asie ont invité spécifiquement les étudiants étrangers actuellement inscrits à Harvard, ou ceux qui avaient été acceptés en vue de la prochaine session, à venir chez elles. Par exemple, rapportent la revue scientifique Nature et le journal britannique The Guardian, l’Université de Hong Kong a offert des bourses spécialement dédiées aux étudiants de Harvard et une aide à la reconnaissance de leurs cours déjà complétés. L’Université des sciences et des technologies de Hong Kong, et l’Université polytechnique, ont fait une offre similaire.
Le gouvernement japonais a recommandé le 27 mai aux universités du pays d’ouvrir leurs portes aux étudiants qui avaient été acceptés à Harvard avant l’annonce du 22 mai, ainsi qu’à ceux d’autres universités américaines, si davantage d’interdits de ce type voient le jour. Le magazine Time rapporte que la liste des institutions d’Asie qui s’offrent comme « option de transfert » grossit chaque jour.
Un climat malsain sur les campus américains
Beaucoup d’universités américaines ciblées ces derniers mois par la nouvelle administration ont plié de diverses façons, par exemple en promettant au gouvernement un droit de regard sur les admissions d’étudiants ou sur les embauches de professeurs. Mais à la fin-avril, Harvard a été, parmi les universités de haut niveau, la première à contester devant les tribunaux un décret qui la ciblait: un gel des subventions fédérales de recherche équivalant à plus de 2 milliards$, après que Harvard eut refusé de se plier aux exigences de le Maison-Blanche.
C’est dans ce contexte que s’inscrit à présent la tentative du gouvernement de geler l’admission d’étudiants étrangers. Ceux-ci étaient, en 2024-2025, près de 7000, sur un total de 30 000 étudiants: une partie du prestige de Harvard vient du fait qu’elle a attiré, au fil des décennies, des étudiants de haut niveau venus d’un peu partout dans le monde, et qui ont poursuivi des carrières prestigieuses —l’établissement se vante de compter plus de 150 Prix Nobel parmi ses diplômés.
Le 27 mai, la Maison-Blanche en ajoutait une couche, en annonçant son intention de mettre fin à tous les contrats gouvernementaux avec Harvard: dans une lettre envoyée aux agences fédérales, il leur était en effet demandé « d’identifier les contrats passés avec Harvard, et de dire s’ils peuvent être annulés ou redirigés ailleurs ». Selon les médias américains, cela pourrait totaliser 100 millions de dollars.
Dotée d’un fonds de dotation de 53 milliards de dollars américains, l’Université Harvard a les moyens de résister à ces attaques, mais beaucoup d’universités n’ont pas les reins aussi solides. De plus, ce qui pourrait satisfaire la nouvelle administration n’est pas clair, parce que les accusations contre les universités ont oscillé ces derniers mois entre la lutte à l’antisémitisme — à cause des manifestations pro-palestiniennes sur certains campus — jusqu’à la lutte aux idées jugées trop à gauche. C’est ainsi que des subventions de recherche sur des sujets allant de la diversité sexuelle à la biodiversité ont été annulées. Mais la liste des « mots interdits », qui va de vaccins à ARN jusqu’à changements climatiques en passant par désinformation, pointe plutôt vers des attaques plus larges contre la liberté d’expression. C’est d’ailleurs au nom de la liberté d’expression que Harvard avait répliqué par sa poursuite de la fin-avril.
L’incertitude sur l’avenir de certains secteurs de recherche est donc palpable depuis des mois, mais elle est encore plus grande chez les étudiants étrangers puisque chez eux pèse, en plus, la perspective d’un resserrement des lois sur l’immigration, voire d’une déportation. Plusieurs médias ont donné ces derniers jours la parole à des étudiants étrangers de Harvard et d’autres universités qui viennent de terminer la session universitaire en avril, et ignorent s’ils pourront poursuivre en septembre.
Même si les tribunaux bloquaient les décrets de la Maison-Blanche, résume le magazine économique Forbes, « le paysage instable de l’éducation supérieure aux États-Unis pourrait être suffisant pour garder les étudiants étrangers à distance ».