Est-il possible, pour une entreprise, de quitter le géant Amazon et de survivre, voire de prospérer? C’est le pari de Sounds Good, une compagnie québécoise offrant des produits pour audiophiles, qui a récemment annoncé sa décision de cesser de vendre ses produits sur la plateforme de Jeff Bezos, notamment pour une question de valeurs. Mais Sounds Good ne se lance pas tout à fait dans le vide. Explications.
« Nous réfléchissions [à ce départ] depuis un moment; nous priorisons le service client, l’expérience client, et avec Amazon, ils ne sont pas très flexibles », mentionne, au bout du fil, Yan Poirier, le propriétaire de la compagnie.
« Nos produits sont un peu techniques; parfois, nos clients ont des questions, et [sur Amazon] ils n’ont pas le côté chaleureux de notre service à la clientèle, après leur achat. »
De l’avis de M. Poirier, donc, l’expérience d’achat via Amazon n’était pas à la hauteur du service que souhaite offrir son entreprise. « Nous voulions rappatrier le tout chez nous, mais aussi s’appuyer sur une autre grande plateforme », a-t-il ajouté.
Voilà pourquoi, explique Yan Poirier, Sounds Good a signé un partenariat avec le détaillant québécois Tanguay, l’an dernier. Cela a permis à la jeune pousse lancée en 2019 de disposer d’un « espace de validation » pour les commentaires des acheteurs et des internautes, plutôt que de devoir se fier à un message publié sur Facebook, ou encore à des déclarations éparpillées qu’il faudra chercher via Google et consorts.
« Nous partageons les mêmes valeurs que Tanguay, notamment l’implication accrue au Québec », a encore déclaré M. Poirier, alors que le géant américain a récemment essuyé le vif feu des critiques pour avoir fermé, en apparence du jour au lendemain, tous ses entrepôts sis au Québec, dans la foulée de la syndicalisation du personnel de l’un d’entre eux. L’entreprise se défend toutefois d’avoir agi de la sorte pour en quelque sorte « punir » les nouveaux syndiqués.
Le propriétaire de Sounds Good se défend aussi d’avoir quitté Amazon parce que son marché était déjà constitué de connaisseurs, d’audiophiles qui passaient rarement par la plateforme américaine pour s’équiper en matériel audio.
« Nos produits sont grand public; nous visons un bon rapport qualité-prix, et non pas nécessairement les audiophiles », mentionne ainsi M. Poirier, qui évoque « un casque d’écoute qui se vend 100$ ».
« En achetant un produit auprès d’une marque québécoise de confiance, plutôt que sur Amazon, tu vas peut-être payer un peu plus cher qu’une paire d’écouteurs cheap à 50$, mais tu en auras davantage pour ton argent. Nous sommes quand même vraiment dans la clientèle qui avait tendance à acheter [sur la plateforme américaine]. »
Pertes financières importantes
Cette sortie d’Amazon a d’ailleurs un coût: selon Yan Poirier, Amazon « a déjà représenté environ 25% » des ventes de Sounds Good, une proportion qui a diminué à 20% récemment.
Et le départ de la plateforme ne correspond pas à un saut dans le vide, malgré de possibles pertes financières: en signant une entente avec Tanguay, Sounds Good profite du réseaux de magasins de la chaîne, qui sont tout autant de points de vente, en plus du site internet du détaillant, mais aussi de son grand système de distribution. Deux aspects logistiques sans lesquels la petite compagnie n’aurait pas été en mesure de surnager.
« Oui, nous aimerions influencer d’autres entreprises, mais je crois qu’il s’agit vraiment du cas par cas », précise M. Poirier, qui précise que sa réflexion à propos d’Amazon avait débuté « avant toutes les questions par rapport au boycott des produits et des plateformes américains », dans la foulée de la réélection de Donald Trump.
« L’expérience client et le service sont des choix qui sont économiques, au final; c’est comme cela que tu fidélises tes clients. »