Franchise cinématographique dérivée d’une série télévisée populaire qui se distingue par sa qualité et la dévotion toujours impressionnante de sa vedette, voilà qu’au huitième tour de piste, on reprend du galon après un opus précédent un peu répétitif et décevant. Si les rumeurs se contredisent, à savoir s’il s’agirait bel et bien du dernier tour de piste pour Tom Cruise dans la peau de Ethan Hunt, nul doute que Mission: Impossible – The Final Reckoning ne manque pas de divertir grandement.
Depuis le premier Jack Reacher, Tom Cruise et Christopher McQuarrie sont inséparables, ou presque. Ce dernier avait quelque peu mis sur pause sa carrière de réalisateur, après The Way of the Gun, au début 2000, pour se concentrer sur la scénarisation et était sur le point de tout quitter avant que Cruise l’aide à propulser l’un de ses scénarios au film Valkyrie qu’on connaît aujourd’hui.
La première adaptation cinématographique du roman de Lee Child a ramené McQuarrie derrière la caméra. Pourtant, dans l’ombre, il aurait déjà commencé à retravailler au préalable le scénario du quatrième volet de Mission: Impossible, le fantastique Ghost Protocol de Brad Bird, meilleur opus de la franchise à ce jour. Celle-ci demeure toutefois le véritable bébé de Cruise, qu’il produit et confectionne avec amour et dévouement depuis presque 30 ans.
Succédant aux nombreux J.J. Abrams, John Woo, Bird nommé précédemment et bien sûr Brian De Palma, McQuarrie a donc pris les rennes de la série et s’est évertué à donner corps et âmes aux quatre derniers chapitres de la saga, en plus de continuer de collaborer à presque tous les scénarios des films de Cruise des dernières années.
Pour le scénariste de The Usual Suspects, pas question de faire des chapitres interchangeables et uniquement du cinéma popcorn estival. Se calquant beaucoup sur le cinéma d’un autre Christopher, soit Nolan, pour le sérieux et le réalisme, il a aussi suivi la tangente des plus récents James Bond avec Daniel Craig pour construire une histoire continue qui devenait rapidement la somme de toutes les parties et, bien sûr, de toutes les peurs.

Car c’est bien ce qui marquera le plus l’imaginaire avec ce nouveau volet: le sentiment de globalité, mais aussi de finalité. Puisque voilà, le choix de ne plus en faire une deuxième partie du Dead Reckoning d’il y a deux ans est justifiable du fait qu’on se permet de boucler la boucle des huit films mettant en vedette notre cher Tom.
Pas seulement du côté de l’histoire, qui ramène des éléments touchant à presque tous les films, mais aussi dans le style et la technique, notamment la très belle direction photo de Fraser Taggart, qui évoque visuellement et scénaristiquement ces bons vieux films d’action du temps de la Guerre froide, où une bombe à désamorcer n’était jamais bien loin.
On a aussi appris des leçons de l’oeuvre précédente. Si l’idée de redondance est plutôt dure à évacuer, les missions se ressemblant toujours un peu, on s’est assuré de bien dynamiser les scènes d’exposition qui alourdissaient inutilement le film précédent en multipliant les monologues explicatifs.
Ici, pas question de s’ennuyer, le montage est souvent tellement précipité qu’on se croirait dans un Guy Ritchie et on s’assure que chaque explication soit bien appuyée d’un accompagnement visuel, si une référence est nécessaire. Ainsi, le film fera plaisir aux fans aguerris sans nécessairement perdre ceux pour qui ils leurs manquent des morceaux.
Cette manie de bien nous prendre par la main pourrait toutefois paraître un peu infantilisante et on n’est jamais très loin du kitsch, à force de tout surexpliquer et montrer à outrance. On pense par exemple à un certain gros plan sur le cou d’un personnage. On atteint presque la saturation, si on ajoute le tout aux scènes émotives qui n’ont jamais vraiment bien fonctionné.

Le plaisir est quand même régulièrement contagieux, car on sait habilement doser autant le pire que le meilleur de ce que ces films savent nous offrir. On apprécie grandement également que l’humour a été ramené par la grande porte et que les personnages féminins ont plus de chair et d’actions, plutôt que de seulement servir de levier narratifs et émotionnels.
Mieux encore, avec sa performance effacée, Cruise porte le poids du monde et de la franchise sur ses épaules et on le sent vulnérable, particulièrement lors de scènes introspectives où il est laissé à lui-même et que le moindre faux pas n’aura jamais semblé être une menace aussi angoissante.
La qualité du reste de la distribution est à l’avenant et en plus d’une chimie indéniable, tous s’acquittent avec brio de leur rôle, maniant avec une adresse intimidante la force des regards qui peuvent souvent tout dire, sans le moindre dialogue.
De fait, on se doute que la durée initiale du film devait être particulièrement imposante, car malgré les 169 minutes au compteur, on se sent malgré tout étourdi, tellement le contenu défile à grande allure. Un sentiment démultiplié lorsque débute la course contre la montre, où les éléments s’enchaînent sans nous laisser le temps de souffler, comme c’était le cas dans le vibrant Fallout.
C’est d’autant plus impressionnant, puisque les cascades et les scènes d’action spectaculaires, habituellement très attendues, sont ici moins nombreuses, sans que cela ne paraisse. La menace très actuelle de l’intelligence artificielle ouvre ici la voie à à plus de combats intérieurs et à des moments moins époustouflants sur le plan physique.
Bien qu’il soit toujours plaisant de de retrouver les thèmes musicaux créés par Lalo Schifrin, notons que sans la gouverne d’un compositeur comme Michael Giacchino ou Lorne Balfe, les deux protégés de ce dernier, Max Aruj et Alfie Godfrey, ne parviennent pas à accompagner musicalement l’ensemble de manière aussi mémorable que par le passé.
Enfin, que ce soit le dernier film de la série ou non, Mission: Impossible – The Final Reckoning en a tellement à offrir que presque tout le monde peut y trouver son compte. Le résultat, bien qu’imparfait et coûteux, est tellement revigorant et divertissant qu’on ne peut qu’en saluer l’expertise toujours aussi épatante, trois décennies après le début de la série.
7/10
Mission: Impossible – The Final Reckoning prend l’affiche en salle le vendredi 23 mai.