Monologue d’une non-monogame dans la salle de bain d’un sous-sol: le titre est long, très long, mais il dit ce qu’il a à dire. Dans une salle de bain (franchement dûe pour des rénovations, semble-t-il), une femme dans la quarantaine prend un instant pour… pour remettre sa vie, ses choix en question. Et c’est cette réflexion, couchée sur papier, qui est publiée aux éditions du Hamac.
L’autrice Kareen Martel raconte-t-elle sa propre vie? Laisse-t-elle libre cours à son imagination? Le communiqué de presse parlant d’un « roman autofictif »; quoi qu’il en soit, nous voilà effectivement en présence de cette femme, engoncée dans ce que l’on imagine être un ensemble de lingerie, et qui contemple une « chose » que son amant, qui attend non loin de là, lui a donnée.
Doit-elle la porter? L’insérer? L’utiliser sur elle-même? Peu importe, car cette « chose » est en fait le point de départ de cette grande réflexion jetée ici, sur quelques dizaines de pages, sans que l’on puisse distinguer de paragraphes. Comme un long monologue lancé au visage du lecteur… À croire que le temps, que l’air finira par manquer.
Et cette femme, qui est donc non-monogame et se targue d’agir de la sorte en respectant des normes éthiques, plonge en elle, dans ses pensées, histoire de déterminer si son désir, ses envies, est dicté par la société, ou par son partenaire, plutôt que par son propre cerveau.
Car on peut facilement distinguer entre ce que l’autre souhaite que nous accomplissions, dans la chambre à coucher ou ailleurs, et ce qui nous intéresse vraiment. Mais selon cette dernière option, nos fantasmes, nos kinks, sont-ils dictés par des facteurs extérieurs? A-t-on envie d’essayer toutes sortes de choses parce que nous avons vraiment l’esprit aventureux, ou parce que nous sentons, implicitement, que l’autre désire ces choses, ces actes, ces accessoires, ces vêtements?
Vaste sujet s’il en est un, puisque, par extension, ce questionnement empiète sur la notion du libre arbitre, des attentes envers les femmes, de cette promotion des kinks et des comportements moins « traditionnels » – notamment en lien avec l’omniprésence de la pornographie –, de l’image corporelle qui change avec les années…
Très rapidement, les pensées de cette femme englobent toutes les sphères de sa vie. Qui aurait cru qu’une partie de jambes en l’air, dans un bungalow de la capitale fédérale, nous entraînerait sur de tels sentiers?
Percutant, fascinant par moments, d’une profondeur surprenante, Monologue d’une non-monogame dans la salle de bain d’un sous-sol est une puissante réflexion sur les liens souvent étroits et complexes entre la société et ses propres désirs et ses propres envies. Une petite plaquette, certes, mais qui déborde de contenu intelligent et nécessaire.
Monologue d’une non-monogame dans la salle de bain d’un sous-sol, de Kareen Martel, publié aux éditions Hamac, 96 pages