Pour le temps des fêtes, la Tohu a proposé le beau spectacle de deux artistes belges, deux clowns dans la tradition des cirques d’antan: maquillage et gros nez rouge, chaussures démesurées, tenues composées de multiples couches de tissus souples et improbables. Avec peu ou pas d’accessoires, ils forment un couple indissociable en dépit des controverses qui les opposent, dans l’oeuvre intitulée Ha ha ha.
L’un des clowns en question est vêtu d’une sorte de grande robe, genre de chemise de nuit qui surmonte d’autres vêtements; l’autre est plus masculin avec sa tunique flottante sur son pantalon. Ils font couple dans la mesure où tout les oppose, mais tout les réunit aussi, indissociablement.
Comme tous les clowns du monde, ils sont là pour faire rire le public (à partir de 5 ans), entrer en relation avec lui quand le besoin s’en fait sentir, le prendre à témoin dans les mille controverses qu’ils rencontrent entre eux deux. Car l’une des clés du comique des clowns se situe dans leurs disputes, leurs blagues, leurs taquineries qu’ils s’infligent l’un à l’autre.
Mais dans Ha ha ha, ce qui ressort du spectacle et le rend à la fois drôle et particulièrement intéressant, c’est l’extrême économie de mots, puisqu’en gros, un seul et unique mot est prononcé par moment, et cela du début à la fin du spectacle.
« Attention! », menace l’un à l’autre en pointant son index, comme pour le prévenir de ne pas dépasser certaines bornes. Que se passerait-il, sinon?
Tout en subtilités, les deux artistes font ainsi une magnifique démonstration de mime, de mimiques, de postures, en somme, de ce qu’on appellerait en communication, de « langage non verbal ». Et leur langage non-verbal en dit long, tellement plus long que n’importe quel mot qu’ils pourraient employer!
C’est là la grande force du spectacle. Du début à la fin, on ne peut retenir un grand sourire ponctué d’éclats de rire aux moments les plus aigus de leurs petits conflits.
Et on assiste, éblouis, à leurs discussions, leurs controverses, leurs accords et désaccords, sans finalement que les mots soient nécessaires. En dépit de leurs corps d’adultes, ils révèlent toutes les faiblesses que nous cherchons généralement à cacher: ils sont peureux, maladroits, taquins… Ils aiment faire les malins et recueillir les approbations et les applaudissements. Ils veulent se comporter comme des grands, ce qu’ils sont d’ailleurs.
C’est un très beau travail sur le corps, accompagné de quelques jongleries et acrobaties, et aidé de rares accessoires qui sont prétextes à de nouveaux malentendus entre les deux protagonistes.
Peut-être le spectacle aurait-il gagné à être proposé dans une salle plus intime, pour comprendre dès l’entrée qu’il ne s’agit pas de grands numéros spectaculaires, mais de la subtilité des détails, avec des visages expressifs, des manières de marcher, de se mouvoir dans l’espace et de pointer son petit doigt pour prévenir qu’il ne faut pas aller plus loin, sinon…
Ha ha ha
De et avec : Xavier Bouvier et Benoît Devos
Mise en scène : OKIDOK et Louis Spagna
Régie Son et Lumières : Muriel Sculier et intervenants
Costumes : OKIDOK et Lili