Sous la gouverne de Victor Belmondo, l‘un de ses acteurs principaux , Vivre, mourir, renaître a été présenté à Montréal après son passage à Cannes, en mai dernier. Un film tout en douceur qui est certainement conçu pour nous hanter avec beauté.
Avec un titre qui fait écho au cinéaste Christophe Honoré (remercié d’ailleurs au générique), en évoquant à la fois son triangle amoureux et la période du sida de son sublime Plaire, aimer et courir vite, Gaël Morel poursuit sa carrière de cinéaste avec une oeuvre qui pourrait finalement en faire un réalisateur à surveiller de très près.
En effet, même s’il a réalisé près d’une dizaine de productions, le nom de Morel évoque encore et toujours le film qui l’a fait connaître en tant qu’acteur, soit Les roseaux sauvages, de Téchiné. S’il a délaissé le métier, il s’est toujours montré reconnaissant à propos de cette opportunité, continuant de faire jouer son partenaire d’écran Stéphane Rideau (présent ici dans un petit rôle qui fait sourire), mais aussi en démontrant un style qui demeure très près de Téchiné dans sa manière de rester très instinctif, très près de ses personnages, sans jamais exagérer avec les sentiments.
C’est peut-être ce qui détonnera le plus dans ce film qui brouille un peu les pistes et s’éloigne de façon assez draconienne de la méthode traditionnelle employée pour revenir sur les années sida, via une reconstitution d’époque assez réussie, malgré un budget limité.
Ainsi, le fait de vouloir se concentrer sur ses personnages, tout en conservant une approche optimiste en fait un film qui veut à tout prix éviter les gros mélodrames et s’avérer larmoyant.
Certains y verront une tentative pour imposer une distance, mais ce qui peut paraître comme une faiblesse devient sinueusement une force, permettant au film de s’immiscer plus discrètement en nous, histoire de bien habiter le public et, possiblement, ne plus nous quitter.
Si Vivre… n’est pas entièrement un film sur le sida, il n’est pas non plus totalement un triangle amoureux, une romance ou même un film d’époque. De fait, le long-métrage ne s’attarde jamais trop sur les éléments externes, se concentrant continuellement sur son trio principal, dont l’alchimie est souvent impressionnante.
Avec une perte de poids pourtant non nécessaire, mais qui lui permet de se réinventer à part entière, Victor Belmondo continue d’épater dans ce rôle tout en retenue et en tendresse, trouvant la chimie parfaite avec ses partenaires Théo Christine et Lou Lampros.
Ainsi, on vit avec eux les triomphes et les défaites, les bonheurs et les tristesses, tout comme le temps qui se distille lentement.
C’est d’ailleurs dans cette dualité surprenante, entre un compte à rebours attendu sur la finalité et une longévité qui semble continuer de s’étirer, que le film conserve plusieurs de ses surprises, nous permettant de continuer d’errer sans jamais savoir ce qui nous attend au tournant.
Bien sûr, on y trouvera plusieurs scènes types de ce genre de films qui racontent les émois homosexuels et on sourira devant la passion qu’on nous transmettra à l’écran, mais c’est la manière dont Morel et sa coscénariste Laurette Polmanss s’amuseront à développer, inventer et réinventer notre trio principal qui gardera notre intérêt captif, curieux de savoir ce qui nous attend au détour.
Les clins d’oeil à bon nombre d’oeuvres, y compris du côté de la trame sonore, qui va puiser autant dans Modern Love, de Bowie, que dans des pièces de Delerue ou Debussy, tout comme les images scintillantes de David Chambille (un habitué de Bruno Dumont), aident aussi à ne pas vouloir détourner le regard.
Certes, le désir de naturel de Morel, qui va de l’absence de répétitions aux improvisations complètes de scènes non prévues au scénario, tel que relaté par Belmondo durant la période de questions et réponses après la projection, se fait sentir par moments.
Sauf que ces égarements sont souvent repris par, ironiquement, la justesse des répliques, qui savent toujours aller droit au but, sans pour autant délaisser une part de poésie. La majorité des échanges entre Cyril, Emma et Sammy, que ce soit en duo ou en trio, sont régulièrement mémorables.
Vivre, mourir, renaître est donc un très beau film conçu avec soin et interprété avec grâce. Belmondo affirme que c’était la première fois qu’un scénario le faisait pleurer, tout comme le fait qu’il s’agit de l’une de ses plus belles expériences en carrière. On comprend son enthousiasme, puisque sa performance fait clairement état de son bonheur solaire d’y participer. Pour le reste, si le film ne redéfinit par nécessaire le genre et qu’il lui manque peut-être une signature distincte pour se démarquer, il sait certainement comment nous marquer.
7/10
Vivre, mourir, renaître a été vu dans le cadre de Cinémania le festival de films francophones. Il est présenté de nouveau ce dimanche 17 novembre. En l’absence d’un distributeur québécois, il n’y a pas de sortie en salle de prévue pour l’instant.