Une nouvelle étude menée par l’Université d’Oxford a révélé que l’évolution naturelle des gènes de résistance aux antibiotiques avait permis de maintenir la résistance au sein des bactéries malgré une réduction de l’utilisation de ces mêmes antibiotiques.
Au dire des chercheurs, ces conclusions démontrent l’importance de la compréhension de l’évolution des gènes de résistance pour mieux combattre ce phénomène qui menace la médecine traditionnelle.
L’étude en question a été publiée dans le Journal of the International Society for Microbial Ecology.
La résistance aux produits antimicrobiens (AMR) est une menace sérieuse et croissance pour la santé humaine, alors que 1,2 million de personnes meurent chaque année en raison d’infections résistantes aux antibiotiques. La surutilisation et le fait d’avoir erronément recours aux antibiotiques sont l’un des principaux facteurs alimentant cette résistance, et il existe un besoin urgent pour protéger l’efficacité des antibiotiques de la « dernière chance » qui servent à traiter les infections généralement impossibles à combattre.
« Notre étude démontre comment l’évolution peut rapidement stabiliser les gènes de résistance au sein de la population pathogène, tout en réduisant l’impact de la restriction de la consommation d’antibiotiques. Limiter cette consommation est l’une des stratégies les plus mises de l’avant pour combattre l’AMR, et la principale leçon de nos travaux, pour la suite des choses, est le fait que nous avons besoin de nouvelles stratégies innovantes pour activement éliminer les bactéries résistantes », mentionne le professeur Craig MacLean.
En 2017, la Chine a banni l’utilisation de la colistine, un antibiotique de dernier recours, s’il est employé comme additif pour stimuler la croissance dans la nourriture pour animaux, en réponse à la dissémination rapide d’une version résistante aux antibiotiques de la bactérie E.coli. Ces versions des bactéries sont résistantes au traitement par la colistine et entraînent des infections difficiles à traiter chez les humains et les animaux.
Des résultats inattendus
L’interdiction a entraîné une diminution de la consommation de la colistine de l’ordre de 90 %, et les chercheurs s’attendaient à enregistrer une baisse similaire des taux de résistance. Cependant, des études de surveillance à grande échelle, en Chine, ont permis de déterminer que le déclin de la prévalence du gène qui fournit la résistance aux antibiotiques était plus faible qu’espéré.
Les chercheurs de l’Université d’Oxford se sont penchés sur cette disparité en se concentrant sur la région régulatrice de l’ADN qui contrôle l’expression du gène mcr-1, soit le gène qui offre cette résistance aux antibiotiques.
Ils ont ainsi découvert que cette région comporte des niveaux élevés de variation, et que certaines variantes étaient en mesure d’alimenter la croissance de la bactérie, tout en augmentant la résistance à la colistine.
En analysant des séquences ADN d’E.coli possédant le gène mcr-1 avant et après l’interdiction en Chine, les scientifiques ont été en mesure de constater que les mutations bénéfiques pour les bactéries étaient demeurées stables, et qu’elles avaient donc très peu diminué en nombre depuis l’entrée en vigueur de l’interdiction.
Toujours selon le Pr MacLean, « nos résultats démontrent qu’il existe de fortes preuves selon lesquelles l’évolution du gène mcr-1 a aidé à stabiliser la résistance à la colistine dans un contexte agricole, même si l’utilisation de cet antibiotique a diminué de 90 %. Cette conclusion est d’une importance vitale pour toutes les interventions futures qui visent une réduction du recours aux antibiotiques, tout en démontrant la nécessité de tenir compte de l’évolution et de la transmission des gènes de résistance, histoire de mettre en place des stratégies qui permettent de réduire la résistance ».
De son côté, le professeur Tim Walsh, coauteur des travaux, estime que « la résistance à la colistine dans plusieurs souches d’E.coli et dans plusieurs environnements, allant des fermes porcines aux hôpitaux, devrait servir d’avertissement en ce qui concerne les dangers de la surutilisation des antibiotiques, ainsi que leur mauvaise utilisation ».
« Dit simplement, ce n’est pas suffisant de réduire la consommation d’antibiotiques pour combattre efficacement la résistance aux antibiotiques. Il nous faut des approches urgentes et innovantes pour combattre ce phénomène, ainsi que des stratégies pour protéger nos antibiotiques de la dernière chance, pour les moments où nous en avons le plus besoin. »